Au pays du yarsagumbu ou : mais où est donc Gyalpo ? : voyage du 2 au 26 juin 2022
Participantes : Béatrice Fourar, Chantal Decock, Clotilde Gauchan, Françoise Halbwachs (et Chantal Lama)
Ce voyage-ci a commencé durant le « grand confinement » de 2020 :
clouées en Alsace par la pandémie de Covid 19, alors que nous aurions dû nous rendre au Népal, nous avons eu le loisir de regarder un reportage relatant le retour dans leurs familles de 3 jeunes gens originaires du Dolpo, partis dès leur plus jeune âge étudier à Katmandou dans une école fondée par un moine originaire de cette région et soucieux de permettre à des jeunes d’accéder à des formations professionnelles de haut niveau. Nous en discutâmes avec Clotilde qui nous orienta vers l’association Action Dolpo, fondée par Mme Marie-Claire Gentric en 1992 pour construire une école accueillant les enfants de la vallée de Dho, la Crystal Mountain School, et en financer le fonctionnement. Suite à quoi, nous entrâmes en contact avec l’association népalaise Vision Dolpo, créée par les premiers élèves issus de la Crystal Mountain School et dont le but est de participer au développement de cette région, notamment dans le domaine de l’éducation et de la santé. Vision Dolpo sollicita AFPN pour le financement de bourses d’étude de laborantine pour deux jeunes femmes originaires de Dho et des environs, qui ont l’objectif de retourner y travailler (le gouvernement népalais devrait à terme équiper le dispensaire de Dho d’un laboratoire et financer un salaire). Vision Dolpo demanda aussi le financement d’un fauteuil dentaire pour le dispensaire de Dho ainsi que la prise en charge de la rémunération de la dentiste.
Et comme nous nous rendons toujours sur place lorsque nous finançons un projet, nous décidâmes d’y aller.
Le Dolpo est une région aride située en haute altitude, peu peuplée et peu développée.
Il est le théâtre du film d’Eric Valli « Himalaya, l’enfance d’un chef« , qui a connu un vif succès en 2000. C’est une région où je ne pensais jamais aller : je ne supporte pas l’altitude et elle oblige à monter à plus de 4000m. On n’y entre pas comme ça : la région étant fortement enclavée, il faut prendre des lignes aériennes intérieures pour arriver dans le Bas Dolpo, à Juphal . Une fois sur place, on s’y déplace à pied ; il faut être en autonomie car il y a peu d’hôtels et guère de nourriture à acheter . C’est donc toute une expédition à monter. Du reste, il faut un permis spécial des autorités népalaises.
Heureusement, nous avions les coordonnées d’une agence à même d’organiser notre séjour…
Nous devions nous rendre à Dho, vallée de la Tarap, à la jonction du « bas » et du « haut » Dolpo, situé à une altitude de 4000m. Je me suis procurée une carte et l’itinéraire « aller » était évident : il s’agissait de remonter la rivière Thuli Bheri jusqu’à son confluent avec la Tarap Khola, puis remonter la Tarap Khola. Pour le retour, nous pouvions prendre le même chemin en sens inverse ou bien passer par le lac Phoksundo, réputé pour la beauté de ses eaux, puis redescendre la rivière qui en est issue jusqu’à retrouver la Thuli Bheri. Mais il fallait alors franchir deux cols à 5000, le Numala La et le Bagala La.
Nous optâmes pour la jolie boucle.
Nous avions choisi la date en fonction des conditions géo-climatiques : trop tôt dans la saison, en avril-mai, c’est risquer que les cols soient enneigés et infranchissables ; trop tard, en juin-juillet, c’est risquer que les avions ne circulent plus en raison des nuages de la mousson – car le pilotage est à vue. Nous optâmes pour juin.
L’agence de trekking Lama Randonnées s’est occupée d’obtenir les permis d’entrée dans le Dolpo, d’acheter les billets d’avion des lignes intérieures (Katmandou > Nepalganj, Nepalganj > Juphal), et d’organiser l’expédition.
Jeudi 2/06/2022 :
Tôt le matin, une amie nous conduisit à la gare de Baden-Baden où nous prîmes le train pour Francfort. Nous descendîmes à la gare ferroviaire de l’aéroport et attendîmes l’ouverture du guichet de la compagnie pour enregistrer nos bagages. Nous étions très largement en avance et nous accomplîmes les différentes formalités tranquillement. Nous décollâmes en fin d’après midi.
L’escale à Doha fut rapide et nous atterrîmes sans encombre à Katmandou le 3 juin en début de matinée.
Vendredi 3/06/2022
Clotilde nous attendait, accompagnée de Gompo, notre guide, auquel nous confiâmes nos passeports pour qu’il puisse faire les démarche pour l’obtention des permis d’entrer dans le Dolpo. Nous nous rendîmes à l’hôtel, l’Utse, dans le quartier touristique de Thamel, où nous eûmes plaisir à retrouver les patrons et leur équipe. L’Utse est un hôtel un peu vieillot mais confortable et chaleureux. La salle de la réception comprend des tables basses autour desquelles on peut s’assoir et discuter avec des amis tout en buvant le thé. Une grande fresque représentant le Tibet avec ses paysages, ses tentes nomades, ses troupeaux de yaks et son Potala orne le mur de la salle à manger. Nous nous installâmes, déjeunâmes au restaurant de l’hôtel, dont la cuisine est délicieuse et Karma, le patron de l’agence Lama Randonnées, vint nous retrouver dans l’après midi pour les différentes formalités pratiques.
N’étant pas sûres d’arriver suffisamment tôt dans la matinée pour que les permis d’entrer dans le Dolpo soient obtenus le jour même et le samedi ainsi que, exceptionnellement, le dimanche étant fériés, nous avions convenu de ne prendre l’avion pour Nepalganj que le lundi 6 juin, dans l’après midi.
Cela nous laissait un peu de répit pour nos poser et ça a été une très bonne chose.
Samedi 4/06/2022 :
Nous profitâmes du temps libre à Katmandou pour rencontrer Tsering et Nyima, les deux jeunes femmes originaires du Dolpo qui bénéficient d’une bourse d’étude de laborantine. Elles étudient à Katmandou et sont hébergées dans l’internat tenu par Vision Dolpo, avec 15 autres étudiants, tous originaires de la région de Dho.
L’internat est situé à proximité du stupa de Bodnath et nous nous y rendîmes à pied, à travers un dédale de rues encombrées de voitures et de piétons puis de ruelles tortueuses et étroites, moins fréquentées, qui sillonnent les quartiers résidentiels de l’est de Katmandou.
Comment décrire Katmandou ?.. ville étendue dans la vallée ; ville remplissant la vallée. Ces 60 dernières années, Katmandou a connu une croissance exponentielle. En 1947, quand le roi Tribhuvan reprit le pouvoir aux Rana et ouvrit le Népal aux étrangers, le pays comptait 9 millions d’habitants et Katmandou était une ville de 100 000 habitants ; actuellement, le Népal compte 30 millions d’habitants et Katmandou 1,5 millions d’habitants (mais 3 millions pour la Vallée). Ceci est du aux effets combinés de l’accueil des réfugiés Tibétains, en 1960, après l’invasion du Tibet par la Chine, de l’augmentation de la longévité moyenne des habitants qui est passée de 35 ans à 65 ans et de l’afflux des populations rurales durant la guerre civile de 1996 à 2006.
Katmandou se présente sous la forme d’une agglomération de maisons cubiques en béton ou en briques, hautes de 4 à 5 étages. Il y a quelques immeubles d’une vingtaine d’étages, mais ils sont peu nombreux. En bordure de Ring Road, la grande route qui délimitait la ville dans les années 80, maintenant largement débordée, on trouve aussi des maisons résidentielles récentes qui ne manquent pas de charme. Les rues sont encombrées de véhicules pétaradants, motos et voitures. L’air semble gris et enfumé. Dans le centre, les temples anciens, abîmés ou détruits par les séismes de 2015, ont été reconstruits ou sont en passe de l’être. Les vieilles maisons effondrées ont été remplacées par des habitations qu’on espère bâties selon les normes antisismiques. Dans Thamel, les petites cours abritent toujours des petits stupas, Même dans les quartiers plus périphériques, entre deux cours encombrées de bouteilles en plastiques, petites entreprises de recyclage, on tombe encore sur des temples hindous fréquentés assidument par des fidèles comme en témoigne la présence d’offrandes et les couleurs appliquées sur les statues.
Nous avons été frappées par la présence de monceaux d’ordures rassemblés ça et là : c’est que les éboueurs étaient en grève depuis 15 jours. Le nouveau maire de Katmandou est un jeune ingénieur de 30 ans, rappeur à ses heures et sans étiquette politique. Il veut améliorer la salubrité de la ville. Je n’ai pas su quelles décisions avaient été prises, mais elles n’ont pas plu : le service de ramassage des ordures s’est mis en grève.
Nous avions rendez-vous avec Clotilde au pied de la statue de Pasang Lhamu Sherpa, première femme népalaise a avoir atteint le sommet de l’Everest, en 1993. Hélas, elle est morte durant la descente, d’épuisement. Elle est maintenant considérée comme une héroïne nationale et a fait des émules. La statue la représente en costume sherpa, debout, en marche, brandissant le drapeau national.
C’est de là que nous nous rendîmes à l’internat de Vision Dolpo.
Tséring et Nyima nous accueillirent avec thé et biscuits. Toutes deux ont fait leur scolarité dans le Dolpo à la Crystal Mountain School fondée par Action Dolpo jusqu’en classe 8 inclus.
En 2017, elles sont allées à Katmandou pour intégrer la Baba Boarding High School et passer leur SEE (Secondary Education Examination), qui ouvre la porte des études supérieures. Elles ont commencé leurs études de laborantine en novembre 2020. Ces études durent 3 ans mais du fait de la pandémie, elles ont pris 6 mois de retard : Tséring et Nyima ont juste commencé leur 2ème année en avril 2022. Elles sont contentes d’étudier et nous remercièrent.
Elle nous informèrent que Gyalpo, le directeur de Vision Dolpo, que nous devions rencontrer à Dho, était en route pour Katmandou. Elles nous prévinrent aussi que les villageois étaient occupés à cueillir le yarsagumbu, le fameux champignon-chenille, de son petit nom ophiocordyceps sinensis. Je me souvins alors d’une émission qui racontait très bien la folie qui s’empare des populations himalayennes en fin de printemps, pour aller se crever les yeux à 5000m d’altitude, à la recherche de cette minuscule créature mi-végétale mi-animale, qui se présente comme une petite tige brune de 4cm de long sur 1,5mm d’épaisseur enfouit dans les herbes. En la déterrant, on aperçoit le corps de la chenille, guère plus longue mais plus renflée et de couleur orangée. Elle vaut plus que son poids en or (en fait, non, c’est juste une façon de parler) : lors d’une saison réussie, une personne peut gagner de quoi nourrir sa famille durant plusieurs mois. Un seul yarsagumbu rapporte 600 rps, soit 4,65 euros, et, la saison s’étalant sur 2 à 3 mois, un bon cueilleur peut en ramasser une à plusieurs centaines.
Tout cela était contrariant, nous avions quand même fait 7000 km pour rencontrer, et Gyalpo, et les gens du dispensaire…
Nous profitâmes quand même de notre visite pour rencontrer Lakpa Tséring, trésorier de l’association Vision Dolpo. Il nous expliqua la façon dont sont rémunérés les salariés de l’association. L’école fonctionne 7 mois par an, de mi-avril à mi-novembre. Les salariés « permanents », autochtones, sont payés à taux plein, 30000rps/mois, durant les 7 mois de fonctionnement et la moitié les 5 autres mois. Les salariés « temporaires », recrutés pour une saison, ne sont payés que les 7 mois travaillés ; 35000rps/mois. Tous bénéficient néanmoins de 2 semaines de congés et de 2 semaines de temps libre pour aller cueillir le yarsagumbu. En outre, les mois d’hiver étant éventuellement passés à Katmandou, les salariés perçoivent une indemnité de déplacement de 25000rps.
Ces renseignements concernent AFPN qui s’est engagé à rémunérer la dentiste de Dho en s’alignant sur le fonctionnement de Vision Dolpo. Les salaires sont versés trimestriellement, à la fin du trimestre.
Nous nous rendîmes ensuite au stupa de Bodnath où nous retrouvâmes Sarita, dont les études ont été financées par un groupe de touristes franco-belges.
L’histoire de Sarita est très informative à plus d’un titre.
Tout d’abord, par rapport à son histoire personnel. Bien que née dans la région du Solukhumbu, majoritairement Sherpa, Sarita est d’ethnie Magar. Son père n’a pas été scolarisé dans son enfance et a commencé une carrière de porteur à l’âge de 13 ans. Il a gravi les échelons et est devenu guide. La mère de Sarita n’a pas non plus été à l’école. Tous deux ont tout fait pour que leur fille, leur seul enfant, bénéficie d’une éducation solide. La mère de Sarita a trouvé un emploi dans une usine de chaussures de la marque népalaise « GoldStar Shoes » (étoile d’or), une marque réputée qui exporte une partie de sa production en Inde. Deux salaires, donc, dont un bon, celui du père : la petite Sarita pouvait rêver de devenir infirmière. Hélas, son père mourut jeune, de maladie, et la famille fut précipitée dans la précarité, l’unique ressource restante étant le salaire d’appoint de la maman, 15000rps par mois, alors que le logement, une pièce de 12m2, coûte 6000rps par mois. Sarita avait 15 ans et son avenir s’en trouvait compromis. C’était il y a 4 ans.
Mohan, l’oncle de Sarita, lui aussi guide, fit part de cette situation au groupe de touristes qu’il accompagnait alors. Ceux-ci, émus, décidèrent de se cotiser et de payer à Sarita l’école de « staff nurse » qu’elle envisageait d’intégrer.
Il se trouve que Sarita est ce qu’on appelle une « bosseuse », brillante et très sympathique. Elle vient d’obtenir son diplôme de « staff nurse ». Il lui faut encore réussir l’examen lui permettant d’exercer, la « licence », puis, éventuellement, de concourir au « loksewa » afin d’être titularisée par le gouvernement et d’être nommée à un poste fixe.
Ensuite par rapport à l’aide au Népal, cette histoire illustre assez bien la place des guides dans la genèse des tous petits projets d’aide au Népal. C’est une aide au coup par coup, aléatoire, ne reposant sur aucune stratégie mais néanmoins très importante, tant pour les bénéficiaires que pour le pays.
Nous rentrâmes en taxi. Nous apprîmes qu’il existe une plate-forme style « BlaBlaCar », nommée « Pathao« , grâce à laquelle on peut se faire transporter par des particuliers, en moto ou en auto, à moindre frais. Il semblerait que les Katmandoïtes apprécient ce nouveau mode de transport, très avantageux lorsque l’on circule seul.
Dimanche 5/06/2022 :
Kalpana vint nous voir à l’Utse, ainsi que Clotilde. Nous nous installâmes sur la terrasse pour discuter tranquillement.
Nous travaillons avec Kalpana depuis plusieurs années : à l’époque, elle était formatrice à l’école gouvernementale de Jiri. Avec l’équipe des enseignants, elle sélectionnait parmi les élèves celles qui correspondaient à nos critères d’attribution de bourse. Elle avait aussi sollicité l’association pour le financement d’outils pédagogiques comme les « Mama Natalie » en 2015. Mais le gouvernement a décidé en 2019 de ne plus former d’ANM (la dernière promotion a débuté septembre 2019 et les études ont pris fin en juillet 2021) et, dans l’attente d’une autorisation de formation de staff nurses, la branche « santé » de l’école de Jiri est en sommeil.
Kalpana, elle, a pris du galon et supervise désormais 2 des 3 écoles gouvernementales de formation d’infirmières (« staff nurse ») : celle de Tansen est gérée par des missionnaires ; restent celle de Gaur et celle de Malangwa, toutes deux situées en bordure de la frontière indienne, dans le Téraï Est.
Le Téraï Est est une zone très densément peuplée, agricole, produisant du riz, de la canne à sucre et du tabac. Le taux de mortalité infantile est plus bas et la longévité moyenne est plus élevée que dans le reste du Népal. Par contre le niveau d’éducation – et notamment celui des femmes – est inférieur à celui du reste du pays. Le pourcentage de musulmans est plus élevé que dans le reste du Népal et il y a une discrimination positive pour l’accueil des élèves musulmanes.
Les promotions sont de 40 nouvelles élèves chaque année pour Gaur.
L’école de Malangwa a été fondée en 2017 ; elle accueille 20 élèves par promotion mais, à terme, va augmenter cette capacité à 40. 80% des élèves accueillies sont originaires des environs et travailleront ultérieurement dans le Téraï ; beaucoup sont de religion musulmane.
Les frais de scolarité s’élèvent à 134 000rps/élèves pour les 3 ans d’études (versus le triple dans les écoles privées). 10% des élèves de Malangwa bénéficient de bourses du CTEVT (« Council for Technical Education and Vocational Training »).
Il semblerait que le népotisme fasse partie des traditions locales, c’est pourquoi plutôt que des bourses d’étude pour quelques unes des élèves, dont le mode de sélection peut difficilement être contrôlé, Kalpana nous sollicite pour l’achat de matériel pédagogique pour chacune de ces deux écoles.
La liste comprend : un squelette à taille réelle, un simulateur Mama Natalie, un mannequin féminin de soins infirmiers, un mannequin des viscères du thorax, un cœur, un pelvis osseux féminin, des mannequins de croissance intra-utérine, un crâne. Le tout coûte 4000€ par école.
A coté de cela, Kalpana nous informa que les ANM anciennement formées allaient avoir accès à la formation de « staff nurse ». Notamment, les anciennes candidates à la formation « SBA » pourraient être intéressées (pour mémoire, ce projet de formation envisagée il y a 6 ans par le club Rotary de Patan et qui devait être financée par le club Rotary de Nancy avait finalement avorté il y a 3 ans). C’est Kalpana qui les avait « recrutées » (énorme travail fait bénévolement) et elle proposa de les recontacter : affaire à suivre.
A terme, Kalpana souhaite retourner à Jiri pour organiser un programme de formation de sages-femmes. Pour le moment, l’école de Jiri ne peut être agréée pour la formation de « staff nurses » parce qu’elle devrait être attenante à un hôpital de 50 lits, ce que n’a pas celui de Jiri. Les négociations sont en cours depuis des années.
Nous déjeunâmes avec Kalpana au restaurant de l’Utse puis nous nous quittâmes en nous promettant de nous revoir après notre périple à Dho, pour acheter les outils pédagogiques avec elle.
Puis notre ami Krishna vint nous rendre visite. Krishna était élève à l’école de Pauduwar il y a 37 ans, puis il intégra l’équipe des enseignants, jusqu’à ce qu’il soit embauché par une association australienne pour la promotion du développement des villages de la région. Il se déplace beaucoup pour donner des conseils et organiser leur mise en œuvre. Mais il y a deux mois, alors qu’il marchait sur un sentier sous une pluie torrentielle, il a fait une mauvaise chute : entorse grave de la cheville gauche avec fracture de l’extrémité du péroné. Il a pu être transporté en jeep jusqu’à un hôpital mais il n’a pu être soigné qu’au bout de 4 jours. Il boite encore beaucoup, la rééducation est longue.
Il m’informa que sa femme qui travaille en Israël depuis 14 ans va bientôt rentrer, définitivement. Il envisage de retourner vivre à Pauduwar et de cultiver ses champs selon les méthodes de la permaculture. Il souhaite par ailleurs développer l’artisanat de la corne et le tannage des peaux car rien n’est fait des cornes et des peaux des yaks de Koyer Bara. C’est donc avec plaisir que je lui offris quelques objets de ma fabrication en corne de yak d’Orbey (en fait, vu l’altitude d’Orbey, je doute que les bêtes soient de vrais yaks ; je pense qu’il s’agit de « dzo », croisement entre vache et yak).
Après quoi, nous nous promenâmes dans les rue de Thamel, si typiques avec leurs maisons ornées de fenêtres finement sculptées. Nous achetâmes quelques cartes postales avec leurs timbres. Hélas, le personnel de l’hôtel nous prévint qu’il n’est plus possible d’envoyer de cartes postales du Népal. Bien sûr, nous ne le crûmes pas, tellement cela semble absurde. Nous mîmes nos cartes de coté afin de les confier à Clotilde avant notre retour en France. Et vous savez quoi ? Elle n’a pas pu les envoyer !
Lundi 6/06/2022
Grand jour du départ dans le Dolpo ! Nous refîmes nos sacs, le poids de nos bagages, soute et cabine, étant limité à 15kg/personne sur la ligne Nepalganj > Juphal ; en outre, nous ne devions pas confier plus de 12kg/personne aux mules. Le reste fut laissé en consigne à l’hôtel. Vers 13h45, Gompo passa nous prendre, accompagnée de Chantal Lama. L’agence avait mis à notre disposition un gros van, avec chauffeur, pour nous conduire à l’aéroport. Nous prîmes Clotilde au passage.
Le temps était chaud bien que nuageux. Nous pûmes nous installer du bon coté de l’avion, qui n’était pas plein, mais la couche nuageuse ne nous permit pas d’apercevoir la chaine himalayenne. Nous parvînmes à Nepalganj après une heure de vol environ. Quelle surprise en sortant de l’appareil : il faisait 39°C !
Nous logeâmes dans un petit hôtel à proximité de l’aéroport. Les chambres étaient climatisées, plus ou moins. La clim’ marchait très bien dans la chambre de Clotilde et Chantal Lama, moyennement dans celle que je partageais avec Chantal, pas du tout dans celle de Béatrice. Nous retrouvâmes Tséring, l’assistant guide, et Furba, le chef cook, venus en bus avec tout le matériel de camping : tentes, matelas, chaises pliables, réchaud et pétrole, intendance : en tout 114kg.
Avant le dîner, nous fîmes quelques pas autour de l’hôtel : nous étions à environ 6kms du centre ville. Les maisons étaient de gros cubes en béton d’1 ou 2 étages, bien alignés le long de la route. Nous goutâmes un samoussa acheté dans une petite échoppe : délicieux mais très pimenté. De nombreux « rickshaws » électriques proposaient leur service mais il se faisait déjà tard et nous préférâmes ne pas nous aventurer plus loin.
Mardi 7/06/2022 :
Gompo nous réveilla à 4h15. Même à cette heure, la chaleur était déjà infernale. Il faisait humide, nous étions moites et « poites ».
Bonne nouvelle, les conditions météorologiques permettaient aux avions de circuler. Depuis le crash de l’avion de Jomsom, 15 jours auparavant, les règles ont changé. Ce n’est plus le pilote qui, compte-tenu du ciel et du vent, décide de décoller, ou pas ; c’est désormais la tour de contrôle qui donne l’autorisation, ou pas.
L’avion de Juphal était un petit « Twin Otter » d’une 15aine de places. En plus de la soute, une partie des bagages était transportée en cabine, notamment les réchauds ainsi que les jerrycans de pétrole.
Nous décollâmes vers 7h30, pour un vol d’environ 30 minutes. L’avion s’éleva rapidement, survolant une forêt, puis franchit une première crête. Il en franchit plusieurs, de plus en plus hautes, de plus en plus abruptes, rasant les cols, passant sous les sommets. Nous aperçûmes au loin le massif du Dhaulagiri.


Après avoir survolé un dernier col, l’avion s’enfila dans une vallée étroite. Une minuscule piste d’atterrissage, taillée à flanc de montagne, apparut soudainement sur la droite. L’avion s’y posa, nos guides et nous étions arrivés à Juphal, 2475m, point de départ de notre randonnée.
Juphal est un gros village bâtit à flanc de montagne. Les maisons sont familiales, petites, comprenant 1 étage, construites en pierre, avec un toit plat en terrasse. Les rues sont étroites et pentues.
Nous allâmes prendre un bon petit déjeuner dans un hôtel et partîmes pour Dunaï, notre étape du jour, à pied avec Gompo. Tséring et Furba prirent la jeep de Dunaï avec les bagages.
Nous descendîmes à travers Juphal puis au milieu des champs et atteignîmes assez rapidement le fond de la vallée où coule la Thuli Bheri.


Nous marchâmes alors sur la piste, vers Dunaï, en remontant la rivière. Le paysage est aride, nul arbre ne permet d’échapper aux rayons ardents du soleil. Il faisait chaud et j’étais habillée de mes vêtements les plus lourds à cause de la limitation du poids des bagages.
Nous parvînmes à Sulighat, confluent de la Suli Gad et de la Thuli Bheri. Un panneau indiquait : « Phoksundo, 12h ». C’est donc par là que nous arriverons, si tout se déroule comme prévu.
Nous poursuivîmes le long de la Thuli Bheri et parvînmes à Dunaï en tout début d’après-midi.
Dunaï est une petite ville située à une altitude de 2140m, peuplée de 2500 habitants ; les maisons comprennent 1 étage, les toits sont en pente. La rue principale est bordée de petits commerces proposant toutes sortes d’articles, dont du papier toilette. Plusieurs ponts suspendus permettent de traverser la Thuli Bheri. Sur la rive nord se dresse un monastère que nous ne pûmes visiter car il était fermé.
Chef lieu du district de Dolpa, elle est dotée d’un « Primary Health Center », c’est à dire un petit hôpital d’une quinzaine de lits, en capacité de faire de la petite chirurgie et des accouchements.
Nous logeâmes dans un terrain de camping où était déjà installé un groupe d’Américains : ils finissaient une randonnée de 30 jours, une traversée magnifique allant de Kagbeni à Juphal, en passant par Shey Gompa et le lac Phoksundo.
Nos tentes avaient déjà été montées par Tséring et Furba. Les jeunes assistants de Furba, Raj et Bakta, habitant dans la région de Dunaï, avaient rejoint l’équipe et préparé le repas ; nous nous mîmes à table avec appétit.
L’après midi s’écoula tranquillement.
Mercredi 8/06/2022
Gompo et Tséring sonnèrent le réveil à 6h30 et apportèrent à chacune un verre de thé chaud.
Nous nous habillâmes et fîmes nos sacs, celui à faire porter par les mules, contenant le sac de couchage, les vêtements chauds et ceux de rechange, les livres, les affaires de toilette, les trousses médicales, et celui à garder sur le dos, avec l’eau pour la journée, quelques vêtements à mettre selon la température du moment, l’appareil photo et une paire de petites jumelles.
Puis nous passâmes à table pour le petit déjeuner. Comme pour les matins suivants, celui-ci fut varié et roboratif : œufs, pancakes ou chapatis, muesli, thé, café ou chocolat. Tandis que nous mangions, Gompo et Tsering démontèrent les tentes. Puis nous partîmes avec Gompo, laissant à Tsering, Furba, ses aides et Lakpa, le muletier, le soin de la vaisselle, du rangement de la cantine, de l’empaquetage du matériel et du chargement des mules.
Toute cette journée, nous longeâmes la Thuli Bheri, sur un chemin pierreux, relativement large, et montant en pente très douce. Le temps était beau, il fit donc rapidement chaud. La végétation était rare ; seuls quelques arbres permirent des pauses ombragées. Nous déjeunâmes à Byasgad, petit hameau de 2-3 maisons groupées autour d’une fontaine. Un beau chautara invitait à déposer sa charge pour une halte réconfortante. Nous retrouvâmes le muletier, Lakpa, et ses 7 mules. Il avait chargé ses animaux après notre départ de Dunaï puis nous avait doublés. Furba et ses assistants aussi étaient partis après nous, chargés de dokos contenant le réchaud à pétrole et l’intendance du déjeuner. Marchant beaucoup plus vite, ils nous avaient dépassés et, arrivés à l’endroit prévu pour le repas de midi bien avant nous, avaient déjà eu le temps de le cuisiner. Clotilde avisa des affiches placardées sur les murs d’une maison, invitant les habitants à planter des arbres fruitiers. L’affiche annonçait la construction prochaine d’une route qui permettrait aux producteurs d’exporter leurs fruits.
Nous repartîmes sous le soleil. De toute l’après-midi, nous ne vîmes pratiquement aucun arbre. Nous ne traversâmes pas non plus de village mais nous croisâmes de nombreux petits groupes de jeunes gens de retour de la cueillette du yarsagumbu. Ils n’étaient pas originaires du Dolpo, mais venaient de régions éloignées et avaient payé cher le droit de le chercher. Certains avaient l’air content mais d’autres avaient le visage fermé de ceux qui se sont donné beaucoup de mal en pure perte.
Nous parvînmes à Tarakot (2542m) passablement « cuits ». Les tentes avaient déjà été dressées dans un terrain de camping équipé d’une fontaine permettant, au choix, de s’approvisionner en eau, de laver du linge ou la vaisselle, ou de prendre une douche, selon l’utilisation de l’unique tuyau. Nous fîmes donc tout cela alternativement. Puis le dîner fut servi dans la tente « mess », tente qui abritait aussi les membres de notre équipe durant la nuit.
Après quoi nous nous couchâmes tôt.
Jeudi 9/06/2022 :
Ce matin, après le verre de thé, Tsering disposa devant chaque tente et pour chacune d’entre nous une bassine d’eau chaude, contenant environ 3/4 litre. Avec cette quantité d’eau, je pus me laver, avec parcimonie, de la tête aux pieds, dans la tente.
Gompo nous appris qu’il avait été mordu au gros orteil par une bête ; peut-être un chacal ? au petit matin. Renseignement pris, il se serait agi du chat de la maison voisine. Toutefois, les cas de rage n’étant pas rares au Népal, nous lui recommandâmes de se faire vacciner dès notre retour à Katmandou ; ce qu’il fit.
Nous poursuivîmes la remontée de la Thuli Bheri. Une piste large et poussiéreuse traversant une végétation rase cheminait au fond de l’étroite vallée. De chaque coté, les pentes montaient à l’infini.
Un moment, nous aperçûmes au loin une famille de 3 singes. Puis nous traversâmes un hameau. Le chemin se mit à grimper avant de redescendre au lieu dit Laisicap, 2775m, confluent de la Tarap Khola et de la Thuli Bheri. Nous traversâmes la Thuli Bheri sur un large pont suspendu et commençâmes à remonter la vallée de la Tarap Khola.





Nous vîmes de loin le monastère de Chhedhul, de l’autre coté de la rivière, mais nous ne pûmes le visiter car il était fermé et le pont qui y menait barré. Il y avait non loin une forêt de pins où Furba et ses acolytes nous attendaient pour la pause déjeuner. L’endroit, ombragé, était très agréable. Nous repartîmes pour une rude montée en plein soleil, au bout de laquelle nous retrouvâmes la forêt. Nous aperçûmes perché sur la branche d’un pin un magnifique petit oiseau bleu turquoise (peut-être un tarsiger rufilatus, encore appelé Himalayan Bluetail). A plusieurs endroits, le chemin avait été emporté par des glissements de terrain qu’il nous fallut contourner par le haut, nous obligeant à de courtes montées raides et de courtes descentes tout aussi pentues. Ailleurs le sentier était taillé à même la roche, à flanc de falaise. Nous ne croisâmes pas de porteurs mais des convois de mules. Ces animaux pissent et crottent tout en marchant et, avec la chaleur, le chemin dégageait une odeur âcre peu agréable. Nous croisâmes aussi des cavaliers montant des petits chevaux nerveux ; si je ne les avais pas vu de mes yeux, je ne croirais pas que ce type de sentier puisse se prêter à l’équitation ! En tout cas, je préférais de loin être sur mes petits pieds, pas trop haut au dessus du sol … Le ciel se couvrit et une petite pluie fine se mit à tomber lorsque nous arrivâmes sur les lieux de notre campement (Laina Odar, 3370m) où les tentes furent promptement montées et les feuillées, petite tranchée de 50cm de long sur 20 de large et autant de profondeur, rapidement creusées au piolet par Tséring. A notre départ, le lendemain, la tranchée fut comblée et Tséring me dit qu’en 3 semaines nos digestats et le papier toilette auront disparu.



Nous campâmes sur les berges de la rivière, auprès d’une grande tente chinoise rectangulaire pouvant accueillir une quinzaine de personnes et chauffée par un poêle à bois. A chaque étape nous vîmes ces tentes, tenues par des gérants choisis parmi les villageois, à tour de rôle, servant d’auberges temporaires et permettant d’héberger les cueilleurs de yarsagumbu sur le trajet les conduisant aux pentes herbeuses situées à 5000m où pousse ce champignon-chenille. En effet, de Tarakot à Dho, nous ne traversâmes aucun village.
Vendredi 10/06/2022 :
Nous commençâmes par une rude montée qui nous amena au dessus de la forêt, sur ce que j’appellerais « les balcons de la Tarap », le sentier en balcon le plus aérien que je connaisse et aussi le plus long. Imaginez un chemin étroit, suspendu 300m à l’aplomb d’une rivière bouillonnante, à flanc de montagne avec, en contrebas, des falaises et en amont des pentes d’herbe rase.



Il faisait beau, heureusement mais, du coup, il faisait chaud. Au bout de 3 heures nous aperçûmes avec bonheur une forêt clairsemée de résineux dont certains portaient des espèces de pommes de pin lisses qu’un esprit facétieux aurait peint d’un bleu profond (probablement des cônes d’un sapin himalayen appelé abies spectabilis). Mais la forêt n’était pas étendues et nous continuâmes dans la caillasse et sous le soleil. Un squelette blanchi de mule, aperçu à une vingtaine de mètres en contrebas du sentier, nous rappela la fragilité de nos existences. Enfin, ce fut la pause déjeuner, sur les berges d’un affluent de la Tarap Khola. Bien qu’elle ne nous offrit que l’ombre d’arbustes de petites taille, elle fut bienfaisante par la proximité de l’eau et par les plats goûteux préparés par Furba. Nous repartîmes, rejoignîmes la Tarap Khola que nous traversâmes sur un pont de bois. L’après midi, le chemin longea le bord de l’eau, au fond des gorges qui s’étaient un peu évasées. Des falaises, des cailloux, une végétation rase, des petits papillons bleu-ciel très jolis et des petits oiseaux qui virevoltaient de ci-de là s’offrirent à notre vue.




Nous parvînmes au lieu de notre campement du soir, à Pibuk, 3475m, que Gompo qualifia de « paradisiaque », ce qui lui valut instantanément l’appellation de « Camping Paradis ». En effet, une accueillante prairie permit aux mules de brouter tranquillement. Quant à l’eau qui servit à la préparation de notre thé, elle fut puisée directement dans la Tarap Khola, car il n’y avait pas d’autre source.
Samedi 11/06/2022 :



Nous repartîmes et, au bout d’une heure, arrivâmes à un joli emplacement alimenté en eau propre par un captage provenant de la montagne. Le chemin se poursuivit le long de la Tarap Khola, entre les falaises. Après avoir à nouveau traversé la rivière, nous atteignîmes le chantier d’une route. Celle-ci, large piste carrossable, montait en zigzag vers un chörten situé sur un petit col avant de redescendre vers la Tarap Khola. Encore un petit effort et nous parvînmes au confluent de la Sissel où nous prîmes notre déjeuner à l’ombre de gros rochers. Nous repartîmes, revigorés. Le chemin était large, désormais, et accueillait aussi bien les convois de mules que de rares motos. Nous eûmes même la surprise de croiser un « tuk-tuk » (tricycle motorisé servant de taxi). La vallée s’était élargie et le paysage, toujours aride et caillouteux, se fit moins âpre. Nous établîmes notre campement à Langa Camp, au confluent de la Klang Khola, à 4010m. Il était tôt dans l’après-midi, il faisait beau et chaud et nous en profitâmes pour faire notre lessive dans la Klang Khola.
Dimanche 12/06/2022 :
La route, désormais, cheminait à plat dans la vallée. Le lit de la rivière s’élargit et nous y aperçûmes avec tristesse des détritus, les emballages plastiques n’épargnant aucune zone fréquentée par les humains.
Nous parvînmes rapidement à Dho, petite bourgade située à 3944m d’altitude, au confluent de la Tarap Khola, au nord-ouest et de la Tahari Khola, à l’est. Dho comprend une cinquantaine, voire une centaine ? de maisons sur un niveau, à toit plats bordés de fagots de bois sec.


Nous entrâmes dans une petite auberge pour prendre un thé chaud, salé et au lait. L’intérieur comprenait un poêle central fonctionnant au bois ou à la bouse de yack séchée. Au fond de la pièce se trouvait aussi une gazinière pour la préparation du thé. Les bouteilles de gaz avaient été montées à dos de mules. Tout autour de la pièce, des petites tables avaient été disposées, derrière lesquelles se trouvaient des bancs où nous nous assîmes. Un des murs était occupé par un vaisselier. Les boiseries étaient peintes de motifs religieux aux couleurs vives. Le sol était couvert de parquet. Tout était bien tenu et le thé fort bon.
Nous ressortîmes et traversâmes le village pour nous rendre à la gompa (monastère) perchée sur les hauteurs. Le lama était absent mais une femme âgée nous fit entrer dans la pièce principale. Devant le mur du fond se dressait une statue d’environ 3 mètres de haut représentant Padmasambhava (nom qui signifie « né d’une fleur de lotus »), un grand lama qui propagea le bouddhisme dans la région du Dolpo, au 7ème siècle. A droite se trouvaient des bancs et 2 tambours rituels qu’un gamin frappait avec conviction. A gauche se tenait la bibliothèque où plusieurs dizaines de livres religieux, constitués de feuilles de 50 cm de long sur 15 de large, serrées entre deux planches tenues ensemble par des tissus de soie, étaient empilés. Nous visitâmes aussi un petit bâtiment entourant un stupa et dont les murs étaient ornés de peintures de divinités bouddhiques.



Nous nous rendîmes ensuite sur le lieu de notre campement situé au dessus de la Crystal Mountain School, construite en 1994 par l’association Action Dolpo créée par Madame Gentric, à 1 ou 2 kms de Dho, au bord de la Tarap Khola.
Lundi 13/06/2022 :
Peu avant de nous rendre à l’école, la mère d’une des étudiantes laborantines vint nous trouver. Elle était très émue et reconnaissante de l’aide apportée par AFPN à sa fille et offrit à Clotilde un tissu traditionnel en laine, fait main, qui se porte normalement sur la robe et recouvre les reins et les fesses.

Nous rencontrâmes tout d’abord Furba Galshen, le coordinateur de l’association Vision Dolpo. C’est un ancien élève de l’école qui y travaille depuis 2013, tout d’abord comme enseignant, puis comme manager et maintenant comme coordinateur.


Sur l’école, il nous apprit qu’elle accueille tous les enfants de la vallée (Dho et les villages environnants), jusqu’en classe 10 clôturée par le SEE (Secondary Education Examination). A terme, l’école devrait aller jusqu’aux classes 11 et 12. Actuellement 200 enfants, provenant de 160 familles, y sont scolarisés. La scolarité est gratuite. Les internes apportent leur propre nourriture mais 3 salariés préparent les repas.
L’équipe pédagogique se compose de 24 professeurs dont 6 sont salariés par le gouvernement. 3 langues sont enseignées : le tibétain, le népali et l’anglais.
Les cours commencent à 8h45 et terminent à 16h ; chaque cours dure 45 minutes, il y a une pause de 15 minutes entre les cours et une pause de 50 minutes à midi, ceci, 6 jours par semaines.
L’école fonctionne 7 mois par an, de mi avril à mi novembre, dont 2 semaines de vacances et 2 semaines dévolues à la cueillette du yarsagumbu.
Les enfants issus de l’école qui souhaitent poursuivre des études obtiennent facilement des bourses car d’une part l’école est « cotée » et d’autre part il y a une discrimination positive pour les jeunes provenant de régions comme le Dolpo. Une vingtaine d’élèves partent tous les ans à Katmandou ; environ 5 enfants quittent tous les ans Dho pour intégrer des écoles monastiques (dont ils ne reviennent pas).
Nous visitâmes les bâtiments, fort intelligemment conçus. Un vitrage de la façade sud-ouest permet d’emmagasiner la chaleur du soleil. Des batteries solaires procurent l’électricité nécessaire à l’éclairage, au fonctionnement des ordinateurs et au chargement des téléphones. La wifi permet l’accès à internet et aux communications par mails.
L’école dispose en outre de quelques serres permettant de faire pousser des légumes.
Puis nous nous rendîmes au dispensaire, accompagnés par Furba Galshen et Sonam, la dentiste.
Théoriquement, deux infirmiers salariés par Vision Dolpo y travaillent, ainsi que d’autres personnes salariées par le gouvernement. Les deux infirmiers sont présents en alternance, un les mois d’hivers, l’autre ceux d’été ; à vrai dire je n’ai pas bien compris, parce que, comme les enseignants, ils ne sont payés à taux plein que 7 mois par an. Tous deux sont d’anciens élèves de la Crystal Mountain School. L’un a 13 ans d’ancienneté, l’autre 10.
L’infirmière était malade, en cours de soins à Katmandou. Son collègue était absent, parti cueillir le yarsagumbu. La visite de la partie médicale du dispensaire fut plutôt déprimante : les locaux étaient déserts, en désordre, et sales ; des cartons fermés étaient entreposés dans des pièces.
Le lendemain, alors que nous avions quitté Dho, l’infirmier, Darka Gurung, nous rattrapa en moto et nous expliqua que les patients venaient peu au dispensaire et qu’il faisait beaucoup de visites à domicile. Il nous dit aussi qu’il avait été sur les lieux de cueillette du yarsagumbu pour y soigner les cueilleurs. Il nous informa enfin que le personnel nommé par le gouvernement et chargé de la répartition des médicaments entre les dispensaires avoisinants était constamment absent, et que lui-même n’avait pas le droit d’ouvrir les colis stockés.
Heureusement, le cabinet dentaire avait l’air de fonctionner convenablement.
La « dentiste », Sonam, est une jeune femme originaire de Dho. Après la classe 10, elle a suivi une formation d’assistante dentaire (3 ans d’études théoriques et d’1 an de pratique) puis a travaillé pour une ONG dispensant des soins dentaires itinérants. Elle travaille à Dho depuis un an.



Le cabinet dentaire est installé dans une des pièces du dispensaire et celle-ci était très bien tenue. Sonam nous montra ses différents outils et nous expliqua la façon dont ils étaient stérilisés. Elle dispose aussi de produits pour soigner les caries. Elle pratique donc des soins d’hygiène, des détartrages, des soins conservateurs et des extractions. Toutefois, l’activité est fluctuante et plutôt modeste.



Il persiste encore une grande inconnue au sujet du laboratoire dont il était prévu au départ qu’il serait construit par le gouvernement local. Un laboratoire n’a de sens que s’il y a des prescripteurs à même d’utiliser les résultats, et donc un système efficient de stockage des informations cliniques et des résultats biologiques -c’est à dire des dossiers médicaux tenus par des soignants présents, c’est à dire une structure de soin opérationnelle.
Aussi, nous ne savons pas encore si les deux jeunes femmes qui bénéficient des bourses de formation de laborantine pourront effectivement travailler à Dho dès la fin de leurs études.
Mardi 14/06/2022 :
Nous prîmes le chemin du retour passant par les cols. En fait, en arrivant à Dho et voyant que nous avions quelques difficultés à marcher à cette altitude, Gompo sortit un joker : deux chevaux nous aideraient à nous hisser à 5000m. Nous louâmes donc deux montures, une pour Béatrice et l’autre pour Chan. Une d’elle appartenait à Lakpa, notre muletier, et l’autre à un habitant de Dho, sourd-muet. Celui-ci ramènerait les deux chevaux à Dho dès le 2ème col atteint.
Ce mardi était jour férié : c’était la pleine lune et les villageois partirent en procession faire le tour d’un montagne voisine. Nous empruntâmes au début le même chemin et nous rencontrâmes Furba, le coordinateur de Vision Dolpo, avec quelques uns des enseignants. Il nous offrit à chacune un yarsagumbu en souvenir.
Comme j’avais été impressionnée par les œuvres des élèves de la classe d’arts plastiques, je lui remis les quelques créations en corne de yak d’Orbey qui me restaient (une cuillère, une fourchette, un coupe papier). La corne de yak est un matériau abondant dont les villageois ne font rien de particulier. Travaillée et polie, elle est pourtant fort belle. Il ne faut qu’une scie, des limes et du papier à poncer, un peu d’huile de coude et beaucoup de patience ! Peut-être aurons nous contribué à l’émergence d’un artisanat local ?
Deux à trois heures de marche plus tard, après avoir traversé le village de Taksi (où Darka, l’infirmier, nous rattrapa en moto pour nous faire part de ce qu’il avait à nous dire), nous quittâmes la Tarap Khola pour commencer l’escalade de la face est du Numala-la.



Après la pause déjeuner, Chantal et Béatrice chevauchèrent leurs fiers destriers pour la solide grimpette qui nous propulsa à 4600m, étape du jour.




Nous campâmes dans une prairie dépourvue de source et l’équipe cuisine dut se ravitailler en contrebas. Un vent féroce soufflait (comme tous les après-midi) et il fallut s’habiller chaudement. Nous rencontrâmes là un berger solitaire qui surveillait à l’aide de jumelles son troupeau de yaks.
Mercredi 15/06/2022 :
Gompo nous réveilla à 5h et ce jour là nous nous passâmes de bassine d’eau chaude : nous partîmes dès 6h15 car il nous restait 600m à monter, ce qui n’était pas rien, compte tenu de l’altitude. Nous passâmes par des prairies caillouteuses où pâturaient quelques yaks et quelques moutons. Il n’y avait pas de neige dans le col (5190m) et toute la caravane passa sans difficultés. Chantal et Béatrice descendirent de leurs montures, nous admirâmes le paysage et notamment la vue sur la face ouest du Dhaulagiri. Nous entamâmes la descente dans un décors des plus austères : du cailloux gris et ocre, de la roche nue taillée à pic sur des centaines de mètres, des crêtes rocheuses dentelées, rien qui n’indique une vie possible. Pourtant, des animaux, il y en a, mais excessivement discrets. Nous ne vîmes ni le léopard des neiges, ni le daphnée bleu, ce faisan himalayen. Nous vîmes des papillons (ceux qui ont échappé au champignon lorsqu’ils étaient chenilles), des mouches et des fourmis. Nous descendîmes le long d’un torrent aux pierres étonnamment rouges (probablement ses eaux étaient-elles ferrugineuses -mais il était bien le seul à avoir cette couleur), sur près de 1000m de dénivelée. Nous atteignîmes une autre rivière, la Gyambo Khola, que nous traversâmes à gué. De l’autre coté, le chemin remontait en pente douce, à flanc de montagne. La pente était fort raide mais couverte d’une prairie fleurie. Nous cheminâmes environ 2 heures, qui à pied, qui à cheval, et parvînmes au campement, un endroit paisible appelé Danigar, à 4512m.



Le terrain était à peu près plat, herbeux, situé au bord du torrent issu du glacier du Norbung Kang. Ce campement servait aussi d’étape aux caravanes de yaks lourdement chargés, en route vers Saldang, un gros bourg du Haut Dolpo.
Jeudi 16/06/2022 :
A nouveau, réveil à 5h et pas de bassine d’eau chaude, pour un départ à 6h10. Nous montâmes d’emblée par un petit raidillon jusqu’à une croupe située 300m plus haut, puis la pente se fit plus douce, longeant une crête herbeuse jusqu’à un faux col. Puis le chemin monta à flanc de montagne jusqu’au col. J’aperçus des oiseaux beiges et blancs (peut-être des niverolles du Tibet) et Chantal vit un bouquetin. Arrivés au col (5070) vers 9h, nous payâmes notre dû au horse man, lui souhaitant bonne chance pour le retour. Ramenant les deux chevaux, il escomptait être à Dho en fin d’après midi !
Il nous restait maintenant à descendre 1200m. A nouveau, tout n’était que rocaille. Puis de l’herbe et quelques plantes apparurent, ainsi que des petits oiseaux et des marmottes. Après des heures de descente la pente s’adoucit et la vallée s’élargit. Enfin quelques arbres apparurent, il y avait plus de verdure : nous arrivâmes au campement de Yak Kharka (3850m), au bord de la Maduwa Khola.


Une fois que nous fûmes installés, alors qu’une pluie fine se mit à tomber, nous vîmes arriver une caravane de yack lourdement chargés. Les caravaniers eurent fort à faire pour débâter les yaks : ces bêtes rétives ne se laissaient pas faire. Certaines n’hésitèrent pas à descendre le petit ravin menant à la rivière et à la traverser, obligeant un des caravaniers à leur courir derrière. Ceux-ci avaient l’air de Tibétains car leurs cheveux longs étaient noués dans un foulard rouge qui leur faisait le tour de la tête. Les yaks nous firent quelques frayeurs car ils vaquaient autour de notre tente WC et nous n’osions plus y aller de peur de mettre en colère ces bêtes irascibles aux cornes pointues. Voyant notre embarras, Gompo et Tséring les chassèrent sans ménagement, et les yaks se laissèrent faire.
Vendredi 17/06/2022 :
Après dissipation des brumes matinales, le temps se mit au beau. Nous partîmes par un agréable sentier cheminant entre des prairies et des forêts clairsemées. D’abord en descente douce, il remonta à flanc de montagne. Les arbres disparurent, nous retrouvâmes falaises et cailloux tandis que le sentier se fit des plus aériens. Nous avions une belle perspective sur la vallée de la Maduwa Khola avant qu’elle ne rejoigne celle, plus étroite, de la Phoksundo Khola, rivière issue du lac Phoksundo, Enfin nous arrivâmes à un petit col après lequel le paysage redevint alpestre, avec forêt et prairie fleurie. Le chemin continua à monter jusqu’à un beau point de vue d’où nous pûmes admirer la cascade de la Phoksundo Khola.



Après quoi, le sentier descendit tranquillement à travers la forêt et le lac apparut soudain. D’un bleu profond, il est considéré comme sacré. Puis nous arrivâmes à des champs et vîmes enfin le village de Ringmo, situé à l’extrémité sud du lac (3641m). Nous traversâmes la Phoksundo Khola et parvînmes à notre campement.
Nous rencontrâmes un groupe d’Américains qui s’étaient fait déposer en hélicoptère dans un endroit très reculé du Haut Dolpo 3 semaines auparavant et qui devaient se faire rechercher par un hélicoptère le lendemain.
Nous étions arrivés tôt et nous déjeunâmes près du lac.



L’après midi, nous nous rendîmes à une gompa proche, à ½ heure de marche, sur la rive est du lac. Un lama était sur place et nous visitâmes la gompa, nous acquittant d’une contribution spéciale « touriste », supérieure à celle demandée aux autochtones.
De retour au village, nous le visitâmes et prîmes le thé à l’hôtel Sherpa, qui avait l’avantage de disposer de la wifi. Un jeune homme vint s’assoir dans la salle où nous étions installées. Il avait l’air fourbu. Il nous expliqua qu’il venait de Dunaï, d’où il était parti le matin même, ce qui représente une jolie trotte. On nous proposa aussi des produits d’artisanat local, des pièces de tissu de laine.
Samedi 18/06/2022 :
Il nous restait à rejoindre la Thuli Bheri puis Juphal. Nous traversâmes le village et prîmes le chemin de Sulighat. Nous descendîmes en pente douce à travers une petite forêt puis longeâmes la falaise par un chemin très aérien. Nous parvînmes à un magnifique point de vue à l’aplomb de la cascade que nous avions aperçue la veille en venant de Yak Kharka. Sa hauteur est de 160m !



Puis la descente s’accentua, passant dans une zone caillouteuse et escarpée, à la végétation rase au bas de laquelle se trouvait un hameau de maisons vides : la résidence d’hiver des habitants de Ringmo. C’est là que nous rejoignîmes la Phoksundo Khola, grossie de son affluent, la Maduwa Khola. A partir de là, le chemin longea la rivière et nous retrouvâmes la forêt. Nous atteignîmes le village de Sanduwa où se trouve la principale école de la vallée et nous fîmes la pause déjeuner. L’après midi, nous reprîmes notre marche, paisiblement, le long de la rivière, au fond de gorges profondes, dans une forêt où apparurent bambous et orchidées. Nous nous arrêtâmes au campement de Rechi (3011m) où nous pûmes prendre une bonne douche … froide dans une pièce pompeusement appelée « salle de bain ».
Dimanche 19/07/2022 :
Nous reprîmes notre route, dans la forêt, le long de l’eau ou presque. Souvent, le sentier s’élevait au dessus des falaises enserrant la rivière puis redescendait au bord des berges : c’est ce que Gompo nomme le « plat népalais ». Cela dura longtemps et nous fûmes heureuses d’arriver à la pause déjeuner, à Shyangta, petit village situé au confluent de la Phoksundo Khola et de la Malaba Khola.
A partir de là, le paysage évolua notablement : les rives se firent plus douces, plus évasées. La forêt se raréfia, faisant place à des prairies et des arbustes. La population avait changé aussi : il y avait parmi les habitants plus d’individus ayant des traits indo-aryens. Et le nom de la rivière n’était plus le même: grossie de la Malaba Khola, la Phoksundo Khola s’appelait maintenant la Suli Gad.
Une pluie fine se mit à tomber. Sous ce ciel couvert, les températures étaient plus fraîches, en fait bien plus agréables.
Nous traversâmes à nouveau un hameau désert : la résidence d’hiver des populations du haut de la vallée.
Nous campâmes dans le village de Raktang (2421m).
Lundi 20/07/2022 :
Nous n’étions plus qu’à 2 heures de marche de Sulighat. Nous partîmes sous une pluie fine qui ne dura pas. Toutefois, l’épaisseur de la couche nuageuse nous fit sérieusement douter du vol du retour. C’est à ce moment que je compris que le Dolpo était une nasse : il est aléatoire d’y entrer mais il est tout aussi aléatoire d’en sortir. Nous avions eu une chance énorme à l’aller, il était peu probable que le miracle se reproduisît. Nous échafaudâmes des plans B : en l’occurrence, prendre une jeep (en fait 4 successives car il manque quelques ponts) qui nous emmènerait en deux jours à Nepalganj. Mais comment la payer ? La location des chevaux avait asséché nos finances.
Après avoir atteint Sulighat, nous retrouvâmes notre chemin d’arrivée : la boucle était bouclée, nous nous congratulâmes.


Nous remontâmes vers Juphal. De fait, le temps maussade nous évita de rôtir au soleil car il n’y avait pas plus d’arbres qu’à l’aller. Il y avait juste quelques fruitiers, (abricotiers, pêchés et pommiers) à proximité de fermes.
A Juphal, nous allâmes à l’hôtel, le « Mount Putha », car il fallait être avec armes et bagages à l’aéroport dès 6h du matin le lendemain. Nous fêtâmes la fin de notre circuit en buvant une bonne bière et nous offrîmes du coca-cola aux membres de notre équipe. Nous apprîmes que la wifi était hors service et qu’aucune communication téléphonique n’était plus possible depuis 5 jours.
Il plut à nouveau, ce qui nous laissait l’espoir d’une éclaircie providentielle pour le lendemain.
Le soir, Furba, qui nous avait cuisiné tout au long du trek des plats fort goûteux, nous offrit en dessert un gâteau de fête.
Mardi le 22/07/2022 :
Et le miracle se produisit. Au réveil, à 5h, le temps était clair et je sus que les avions voleraient. Et les avions volèrent. De la salle d’embarquement, nous vîmes le nôtre arriver à flanc de montagne, se positionner face à la piste minuscule et atterrir. Il déchargea passagers et bagages ; nous embarquâmes en serrant les fesses comme rarement. L’avion fit gronder ses moteurs et s’élança sur la piste. Au bout de 200m à peine ses roues quittèrent le tarmac, il décolla. Longeant la rive gauche de la Thuli Bheri, il s’éleva doucement. Quelques nuages s’étaient amoncelés sur les crêtes, devenant de plus en plus denses et je mesurais la chance que nous avions que notre appareil ait pu venir nous chercher. Nous rasâmes les crêtes escarpées, apercevant les torrents dévalant les montagnes. J’aperçus des sommets enneigés mais ne reconnus pas le Dhaulagiri. Après plusieurs crêtes, les pentes se firent moins raides, les sommets se couvrirent de forêt. Des villages apparurent de plus en plus nombreux, des pistes sillonnaient crêtes et vallées. Les montagnes se firent collines, la forêt se fit jungle, puis apparurent des champs ocres ; les collines s’étaient faites plaine, plaine plate écrasée par la touffeur de cette matinée ensoleillée. Nous atterrîmes, soulagés.
Le vol qui devait nous ramenés à Katmandou, Gompo et nous, n’avait lieu qu’en fin d’après midi. Tséring et Furba devaient, eux, rapatrier le matériel par le bus de nuit. Nous allâmes à l’hôtel qui nous avait accueillis à l’aller, où Tséring et Furba purent se rafraîchir et se reposer. Nous mangeâmes un dal bhat épicé puis partîmes pour le centre ville en « tuk-tuk », sorte de rickshaw à moteur électrique.
Sept kilomètres séparent l’aéroport de la ville, qui est très étalée et semble très industrieuse. Sur la large 4 voies qui relie l’aéroport à la ville, vélos, tuk-tuk, carrioles tirées par des petits chevaux, puissants 4×4 et bus se côtoient. La 4 voies est bordée de constructions en béton de 1 voire 2 étages.

Il faisait très chaud, pas loin de 40°. Je ne sais pas si nous arrivâmes au centre ville, je ne sais même pas s’il y a un centre ville, nous avions demandé au chauffeur de nous conduire au temple et, de fait, il nous déposa près d’un temple, probablement le Bageshwori Mandir, temple renommé de Nepalganj. Nous nous promenâmes dans l’enceinte du temple mais nous ne nous attardâmes pas. La chaleur était vraiment pénible. Nous prîmes le tuk-tuk du retour et passâmes le reste de l’après-midi a siroter de l’eau ou du thé et à grignoter des mangues délicieuses, de la pastèque et des samoussa épicés.
Enfin, nous nous envolâmes pour Katmandou. Le Téraï était brumeux et de gros cumulonimbus nous cachèrent les montagnes. La nuit tombait lorsque l’appareil se posa dans la Vallée. Nous étions de retour à Katmandou.
Mercredi 23/07/2022 :
Ce jour fut un jour de repos. Nous n’avions aucun rendez-vous prévu, ni avec des amis, ni dans le cadre associatif. Nous nous promenâmes dans la ville et visitâmes Swayambunath, le stupa perché sur une petite colline, à l’ouest de Katmandou, accessible par un escalier pentu de 365 marches (je ne les ai pas comptées). La petite forêt qui entoure le stupa est toujours peuplée de petits singes insolents qui ne craignent pas les humains. Le stupa, édifice datant du 17ème siècle, qui avait été gravement endommagé lors du tremblement de terre, a été restauré. D’en haut, le panorama embrasse la ville de Katmandou, mer de cubes de béton de taille et de couleur disparates, ponctuée d’îlots de verdures.
Jeudi 24/07/2022 :
Nous partîmes en fin de matinée pour retrouver Clotilde puis Kalpana afin d’acheter les outils pédagogiques destinés aux écoles de Malangwa et Gaur. Le magasin se trouvait à Tripureshwor, dans la partie sud de Katmandou. C’était une minuscule boutique encombrée d’articles de soins. Nous montâmes à l’étage et entrâmes dans le bureau du gérant. Les mannequins que nous voulions acheter n’étaient pas disponibles, il fallut les commander.
Il fut convenu que Kalpana et Clotilde géreraient la remise du matériel pédagogique à chacune des deux écoles.
De fait, fin juillet, le directeur de l’école de Malangwa se rendra à Katmandou et Clotilde lui remettra en main propre une partie des articles -toute la commande n’étant pas encore disponible. Une bonne occasion de faire connaissance avec cet homme, qui a travaillé plusieurs années à Jiri et de ce fait connait AFPN ; il a aussi travaillé dans des régions reculées, à Jumla qui, comme le Dolpo, fait partie de la province de la Karnali, ainsi que dans le Mustang.
Quant à l’école de Gaur, le directeur devrait venir à Katmandou ultérieurement.
Après avoir quitté le magasin, nous déjeunâmes avec Kalpana dans un restaurant Thakali d’un centre commercial proche. Eh bien oui, il y a des centres commerciaux à Katmandou, depuis plusieurs années déjà. Hormis le décor et les plats, nous aurions pu nous croire dans n’importe quelle ville d’Europe. Le repas était d’ailleurs bon et ce moment de convivialité plaisant.
Puis, après avoir quitté Kalpana, nous prîmes un taxi et nous nous rendîmes à l’internat de Vision Dolpo pour rencontrer, enfin, Gyalpo, le directeur de l’association.



Nous lui exposâmes franchement ce que nous avions constaté lors de la visite du dispensaire. Il nous expliqua que celui-ci était passé sous la houlette du gouvernement il y a deux ans, ce qui en complique considérablement la gestion. Les médicaments sont fournis par le gouvernement et arrivent à dos de mules dans des cartons fermés. Le gros problème est celui de l’absentéisme des employés du gouvernement qui sont seuls autorisés à ouvrir les cartons -et qui devraient aussi assurer une partie des consultations. Sur ce dernier point, Gyalpo confirma ce que nous avait dit Darka, à savoir qu’il y a beaucoup de demandes de visite à domicile. Le dispensaire est surtout sollicité pour les soins des blessures accidentelles. Sans oublier l’ « amchi » (moine médecin de médecine traditionnelle tibétaine), dont les services sont demandés en premier recours.
Gyalpo nous dit que les habitants de Dho envisageaient de créer un comité de santé. Ce comité pourrait arbitrer la collaboration entre le gouvernement et Vision Dolpo et améliorer la gestion du dispensaire.
Vendredi 25/06/2022 :
Il nous restait à faire les courses afin d’approvisionner notre stand lors des manifestations à venir cet automne. Nous profitâmes aussi de la journée pour visiter le palais royale de Patan, transformé en musée, en compagnie de Sarita, que nous eûmes plaisir à retrouver.
En fin d’après midi, notre ami Badri, qui nous avait invitées à dîner chez son fils, vint nous chercher en voiture. Badri est notre correspondant à Gorkha depuis 1996 et est membre d’honneur de l’association. Il est maintenant retraité mais est toujours actif dans les projets de développement locaux, notamment celui de la gestion du réseau de l’eau de Gorkha. Il a participé à la construction d’un hôtel, le « Gorkha Garden Hotel » qui répond aux critères des hôtels de luxe internationaux et peut accueillir des séminaires. Lorsque Badri se rend à Katmandou, il loge chez son fils qui habite un quartier résidentiel moderne situé non loin de Swayambunath. Badri et son épouse étaient venus de Gorkha exprès pour nous voir, ce qui est remarquable quand on connait les routes népalaises -qui plus est durant la mousson.
Nous arrivâmes donc dans un quartier de petites habitations cubiques de 2 à 3 étages, disposées de part et d’autre d’une rue large serpentant au milieu d’elles. Le quartier était protégé par une clôture. L’entrée en était surveillée par un garde. Tout était remarquablement propre. Arrivé devant la maison, un jeune homme nous ouvrit la porte : c’était le petit-fils de Badri, celui-là même que nous avions vu nourrisson lors de notre voyage en 2004 ! Il avait bien changé : je ne le reconnus pas 😉
Badri nous fit visiter la maison de son fils. Elle était très moderne et confortable, n’ayant rien à envier aux maisons les plus neuves d’Offendorf. Son fils vint, nous discutâmes amicalement ; le repas fut fort bon. Badri ouvrit même pour nous des bouteilles de vin français. Puis, la nuit étant tombée, son fils nous ramena à Thamel.
Samedi 26/07/2022 :
Dernier jour à Katmandou : notre avion décollera en fin d’après midi. Après le petit déjeuner, nous finîmes nos emplettes et préparâmes nos bagages. D’écharpes de pashmina en bonnets, de chaussons en sacs, même sans statuettes en bronze, même sans aucune corne de vrai yak (frustration ! ), il y en avait bien pour 10kg supplémentaires, ce qui n’était pas un problème par rapport au poids autorisé par la compagnie aérienne, mais dont nous sentîmes la charge lors des innombrables transferts : on n’est plus tout jeune…
Krishna vint nous dire au revoir : mais oui, nous irons à Pauduwar et à Koyer Bara ! Et aussi à Malangwa – en février ou mars … 2023 ? ou 24 ?
Enfin Clotilde vint et nous partîmes pour l’aéroport dans le 4×4 de l’hôtel.
Ce n’est qu’un « au revoir », amis…