Compte-rendu du voyage effectué par Chantal Decock, Anny Fetter, Françoise Halbwachs, Lorène Koehler, Bernard Moncollin et Marion Montaudié, du 7 au 29 avril 2023.
Ce voyage-ci, peut-être a-t-il commencé à Pâques 2000 ?!
Un professeur du collège Jean XXIII de Mulhouse, M. Pierrel, m’avait alors demandé d’intervenir dans sa classe de 5e pour « parler du Népal », ses caractéristiques géographiques, ses populations, son économie, son régime politique. Les élèves étaient intéressés et, à la fin de ma présentation, l’une d’elle s’était fermement plantée devant moi et m’avait demandé ce qu’elle pouvait faire, elle, pour « aider ». Elle s’appelle Marion, et, avec quelques-unes de ses copines, avait commencé à nouer une correspondance avec des jeunes élèves de l’école de Pauduwar.
Elles ont nommé leur groupe les « Cop’s », lavé des voitures, fait du baby-sitting et, en 2002, m’avait confié 1 225 € pour l’école de Pauduwar. Puis, ayant à nouveau M. Pierrel comme professeur, elles ont organisé avec lui un « bol de riz » au collège, participé à un concours « Envie d’Agir », bref, récolté les fonds permettant le financement d’un internat pour les filles de l’école de Pauduwar : une maison de 5 pièces dont chacune permettait l’hébergement de 4 collégiennes. Par la suite, alors que les filles du groupe les « Cop’s » s’étaient dispersées selon les études suivies, l’opération « bol de riz » a été organisée tous les ans par les professeurs du collège, jusqu’en 2010.
L’école de Pauduwar a donc bénéficié d’un apport d’environ 1 000 euros par an toutes ces années.
Marion partit vivre sa vie. De retour à Strasbourg, elle reprit contact avec AFPN, dont elle est devenue membre, en 2021. Avec le désir d’aller visiter le village qu’elle a tant aidé durant son adolescence et, qui sait, rencontrer la famille de sa correspondante de l’époque, Chandra.
Par ailleurs, le but du voyage était de :
- rencontrer nos partenaires : Mesdames Clotilde Gauchan-Bernard et Kalpana,
- constater quelle est l’utilisation faite des outils pédagogiques financés par AFPN pour les écoles de santé de Malangwa et du Gaur,
- de rencontrer nos partenaires de Vision Dolpo pour savoir :
– où en est le dispensaire de Dho et la création du laboratoire sensé fonctionner d’ici 2 ans avec les deux étudiantes dont AFPN finance les études,
– où en est le programme de prise en charge des soins dentaires assuré par Sonam, dont AFPN a payé l’installation matérielle et finance le salaire, - de rencontrer le comité de santé de Pauduwar,
- de rencontrer notre partenaire de Gorkha, Monsieur Badri Maskey et les 4 étudiantes pour le diplôme de HA, originaires de Runchet,
- de prendre des nouvelles des ancien.ne.s boursier.e.s.
Du fait de la présence de Marion, ce compte-rendu comprend 2 parties
- la première est le compte rendu très factuel concernant le programme AFPN, rédigée par Françoise,
- la deuxième est le récit personnel de Marion, qui nous a rejoints à Katmandou avec Lorène, après notre équipée dans le Téraï.
1re partie : suivi du programme AFPN
Malangwa et Gaur
Rappel : Kalpana, après avoir été enseignante à l’école technique de Jiri, supervise désormais 2 des 3 écoles gouvernementales de formation d’infirmières (« staff nurse ») : celle de Gaur et celle de Malangwa, toutes deux situées en bordure de la frontière indienne, dans le Téraï Est.
En juin 2022, Kalpana nous avait sollicités pour l’achat de matériel pédagogique pour chacune de ces deux écoles. La liste comprenait : un squelette à taille réelle, un simulateur Mama Natalie, un mannequin féminin de soins infirmiers, un mannequin des viscères du thorax, un cœur, un pelvis osseux féminin, des mannequins de croissance intra-utérine, un crâne. Le tout coûtait 4 000 € (652810 rps) par école.
En automne, l’école de Malangwa avait récupéré la moitié du matériel lui étant dévolu (le reste n’étant pas encore arrivé à Katmandou). En janvier 2023, c’est celle de Gaur qui avait cherché sa part ainsi que le reste du matériel pour l’école de Malangwa. Mais cette dernière n’est toujours pas allée le récupérer.
Kalpana nous accompagna durant notre périple, ce qui lui fournit l’occasion d’inspecter les deux écoles.
Récit du voyage dans le Téraï
La route pour se rendre dans le Téraï est longue, tortueuse ; elle franchit la chaine du Mahabharat puis celle des Siwaliks. Il nous fallut 8 heures pour franchir les 225 km qui séparent Katmandou de Janakpur.
Parvenus sur place, nous y retrouvâmes Kalpana, arrivée en avion, ainsi que Mr Umesh Pandit, comptable de l’école de santé de Gaur.


Le 10/04/2023
Une jeep affrétée par M. Pandit nous emmena à Malangwa par une piste traversant villages et champs.
Nous aperçûmes près des rivières de grands oiseaux noirs : des lesser adjutant ou marabouts chevelus (Leptoptilos javanicus), de la famille des cigognes.
Les villages traversés sont constitués de maisons basses. Les murs sont composés d’une trame de tiges de bambou entrecroisées, recouverts d’argile et sont parfois ornés de peintures de style Mithila.
Les champs sont des parcelles de quelques dizaines d’ares, cultivées à la main, bordées de petits talus sur lesquels poussent des plans de lentilles. Nous aperçûmes des champs de blé mûr ainsi que des rizières. Il y a 2 récoltes par an.
Nous parvînmes à Malangwa en 2-3 heures. C’est une petite ville de petits cubes en béton, ouverts sur le devant, qui sont autant de magasins ou d’ateliers
Visite de l’école de Malangwa
L’école de Malangwa a été fondée en 2017 ; elle accueille 300 élèves, de toutes les régions du Népal.
Elle est dévolue à 3 types de formation :
- formation de staff-nurses
- formation de health assistants
- formation de pharmaciens
Chacun des cursus se déroule sur 3 ans. Les formations de HA et de pharmaciens ont démarré il y a 2 ans.
La formation de staff nurse comprend 20 élèves par promotion mais cet effectif doit être augmenté à 40.
Les stages pratiques ont lieu à l’hôpital de Janakpur.
L’équipe enseignante nous reçut chaleureusement et nous fit visiter les bâtiments.
Nous commençâmes par le département d’études de « staff nurse ».
Nous nous arrêtâmes à la salle de travaux pratiques : les mannequins offerts sont protégés par des draps, utilisés et appréciés par les enseignants. Nous visitâmes une salle de classe : une bonne vingtaine d’élèves en uniforme nous saluèrent.



Nous allâmes ensuite dans le département d’études de pharmacie. Le bâtiment, inachevé, dégageait une impression d’abandon. La salle de travaux pratiques était poussiéreuse et son sol jonché de matériel usagé. Des microscopes étaient entreposés sur des étagères, dans des armoires ouvertes. Mais l’essentiel du matériel est manquant, faute d’argent. Néanmoins, malgré l’absence de laboratoire, les études sont en cours depuis 2 ans déjà.
Nous nous rendîmes ensuite à la bibliothèque. Les élèves peuvent sortir deux livres par semaine mais les livres les plus coûteux doivent être consultés sur place.
L’école comprend encore un internat pour les étudiantes, que nous ne visitâmes pas.
La visite fut suivie d’une discussion dans le bureau du directeur, Monsieur Birendra Babu Yadav.
C’est un homme au CV impressionnant : il a de multiples diplômes dont un doctorat en santé publique.
Il nous reçut dans son bureau et nous présenta son équipe.
Puis Kalpana lui expliqua comment AFPN avait aidé l’école de Jiri ; Clotilde et Françoise racontèrent l’origine de l’association, ses buts et ses moyens puis chacun se présenta.
Après quoi, nous prîmes congé.
Nous déjeunâmes en ville puis M. Pandit nous fit visiter la maison de son père qui héberge une association créée par les enseignants de l’école de Gaur, dont le but est de venir en aide aux étudiants nécessiteux.
Ensuite, nous reprîmes la route pour aller à l’école de Gaur, où nous arrivâmes vers 15 h.
Visite de l’école de Gaur
Nous fûmes très chaleureusement accueillis par le directeur, M. Tek Raj Paudel. Très ouvert et très souriant, il nous remercia pour le matériel pédagogique offert, reçu dans son intégralité.
Puis, accompagné par toute l’équipe pédagogique, il nous fit visiter l’école.
Celle-ci recrute des élèves de tout le pays, spécifiquement parmi les plus pauvres. Certains élèves touchent des bourses du gouvernement.
La classe de staff nurses comprend 20 élèves. L’effectif devrait être porté à 40.
Les stages pratiques se déroulent à l’hôpital de Birganj.
L’école organise aussi une formation de pharmaciens. Comme à Malangwa, le laboratoire manque cruellement d’équipement. Par contre, lors de notre visite, les locaux étaient propres.
La bibliothèque semblait aussi mieux fournie en livres et ceux-ci étaient méticuleusement rangés.
Après la visite, nous fûmes reçus dans le bureau de M. Paudel.
Il nous remercia à nouveau puis nous exposa ses projets pour l’école : ouvrir une section de formation de « health assistants », de dentistes, d’opticiens et de sage-femmes.
Il nous présenta une vidéo suivie d’un diaporama en anglais expliquant dans le détail le fonctionnement de l’école.
Il s’ensuivit une discussion au cours de laquelle il nous informa être en difficulté par rapport à 3 élèves très pauvres, en incapacité de payer leurs frais de scolarité : 2 élèves en 2e année de « staff nurse » et 1 élève en 3e année de pharmacie.
Il nous sollicita pour une aide ; nous répondîmes que le critère principal de financement d’une bourse est l’engagement à travailler ultérieurement en zone reculée : 3 ans pour des études de 3 ans. Nous explicitâmes ce qu’est pour nous une zone reculée : partout au Népal excepté à Katmandou. Les étudiants ne s’engageraient que pour 2 ans et 1 an, au prorata de la durée de notre aide.
Puis nous nous rendîmes dans un hôtel pompeusement nommé « Sita Palace« , une construction spacieuse mais relativement cra-cra.
Nous dînâmes en ville avec les enseignants et le directeur, dans un sympathique troquet.
11/04/2023
Nous rentrâmes à Katmandou.


En arrivant à Bhaktapur, « sonnés » par le voyage, nous nous arrêtâmes au bureau de Kalpana. Le bâtiment abrite le 2e centre administratif du CTEVT (Council For Technical Education and Vocational Training) et le patron de Kalpana, M. Pramod Bhakta Acharya, qui est le n° 2 des administrateurs.
Il nous reçut avec le sourire, interrompant pour nous la réunion de travail qui se tenait dans son bureau.
Kalpana nous présenta, rappelant notre lien depuis plus de 20 ans avec l’école de Jiri. Monsieur avait été en poste à Jiri il y a 17 ans et il n’est pas impossible que nous nous y soyons vus. Il nous dit témoigner une grande confiance en Kalpana qu’il connait depuis qu’ils y ont travaillé ensemble.
Nous profitâmes de l’occasion pour solliciter un appui du CTEVT dans la nomination des boursiers à des postes temporaires en zones reculées
Vision Dolpo :
Depuis l’an dernier, l’internat tenu par Vision Dolpo, association népalaise partenaire à l’association française Action Dolpo, a emménagé dans le quartier de Bodnath.
Le 15/04/2023
nous avons rencontré Tsering et Nyiama.
Elles ont commencé leur 3e et dernière année d’étude 1 mois auparavant. Les travaux pratiques ont lieu dans un hôpital proche, le Stupa Community Hospital.
Leur avenir est toujours incertain : le dispensaire de Dho ne fonctionne pas mieux que l’an dernier : il souffre toujours de l’absentéisme des employés gouvernementaux. Pourtant, 2 jeunes femmes originaires de la région de Dho ont désormais fini leur cursus d’études d’infirmière. Mais elles n’ont pas été nommées à Dho.
Dans ce contexte, on voit mal comment un laboratoire pourrait être créé et fonctionner convenablement.
Nous avons aussi rencontré Gyalpo et Lhakpa, le directeur et le trésorier de Vision Dolpo.
Un autre sujet de préoccupation concerne les soins dentaires : Madame Sonam Peldong, la dentiste, dont AFPN finance le salaire, n’est pas retournée à Dho ce printemps, pour des raisons personnelles.
Une étudiante de la Crystal Mountain School, Pema, a commencé un cursus d’assistant dentaire. Les études durent 3 ans, elle n’est pas encore prête !
D’après nos interlocuteurs, les infirmiers payés par Vision Dolpo (notamment Monsieur Darka Gurung) sont capables a minima, de procéder à des extractions dentaires.
De retour en France, nous apprendrons avec soulagement le recrutement d’une jeune femme, Madame Anju Bohara, en remplacement de Madame Sonam Peldong.
Le fonctionnement du dispensaire est préoccupant. Un kit de télémédecine serait en phase test en vue d’être envoyé à Dho. Le médecin correspondant serait basé à Dhulikel. Nous n’avons pas d’autres précisions.
Pauduwar
Le 23/04/23
Nous nous rendîmes au dispensaire, accompagnés de Messieurs Bhim Bahadur et Gyan Bahadur.
Nous y avons rencontré la HA (Madame Rojee Thajali) et l’ANM (Madame Benisha Thapa) qui y travaillent. Toutes deux sont nommées par le gouvernement en tant qu’intérimaires.
L’activité du dispensaire n’est pas débordante, une trentaine de consultations mensuelles. Sur les 15 naissances annuelles, 5 à 6 seulement ont lieu au dispensaire. Les autres se passent à Béni ou Pokhara. Cela fait quand même quelques grossesses à suivre tous les ans, à raison de 8 consultations par femme enceinte. Le gouvernement, pour inciter les femmes à consulter, leur alloue une indemnité de 100 roupies par consultation et, lorsqu’elles accouchent au dispensaire, une somme de 2 000 rps, des œufs et un poulet.
Le dispensaire est propre et bien tenu.
Nous avons été sollicités pour plusieurs demandes :
- un réfrigérateur pour conserver les vaccins et éventuellement d’autres produits : 33 000 rps
- une couveuse : 80 000 rps
- les batteries des panneaux solaires : 17 000 rps
- un stock de médicament, pour 100 000 rps. Le renouvellement de ce stock serait ultérieurement assuré par le produit de leur revente
Gorkha
Le 26/04/2023
Nous nous rendîmes à Gorkha.
Notre ami Badri Maskey nous invita au Gorkha Garden Hotel, un hôtel 5 étoiles de classe internationale nouvellement construit pour accueillir aussi bien des séminaires organisés par les grandes entreprises nationales et internationales que des événements festifs tels des mariages. Luxueux, très confortable, doté d’une piscine sur le toit, il témoigne de la modernisation du pays.
1 – Visite de l’école de santé de Gorkha
L’école se situe sur les hauteurs de Gorkha, dans le quartier de Satipipal, au nord-ouest de la ville.
Elle a été créée récemment et propose une formation de Health Assistant, d’une durée de 3 ans.
L’effectif de la promotion est de 40 élèves (33 jeunes femmes et 7 jeunes hommes).
L’équipe enseignante comprend 8 professeurs dont certains travaillent à l’hôpital de Gorkha ou dans d’autres écoles (sciences, chimie, botanique…). Ils ne sont pas employés à plein temps par l’école.
Les travaux pratiques se déroulent à l’hôpital de Gorkha qui a 50 lits, avec lequel l’école a une convention.
Les OJT (stage extériorisé de 6 mois) ont lieu à l’hôpital et différents dispensaires de la région.
Les frais de scolarités s’élèvent à 200 000 rps la 1re année, 100 000 rps la 2e année et 104 000 rps la 3e année.
Une fois leur diplôme obtenu, les HA doivent passer la « licence » leur permettant d’exercer (taxe d’inscription : 800 rps).
Pour être titulaire d’un poste dans un dispensaire gouvernemental, ils doivent réussir le loksewa (taxe d’inscription : 2 500 rps).
L’école est demandeuse d’un soutien financier pour l’achat de matériel pédagogique (demande détaillée en attente).
2 – Rencontre des 4 élèves HA originaires de Runchet, en présence de leurs parents
Runchet est un gros bourg, plutôt pauvre, regroupant environ 2 000 habitants. Il est situé dans une zone éloignée de la vallée de la Budhi Gandaki, à 5 heures de marche de Machha Khola Gaon, distant de Gorkha de 65 km, à faire en bus.
4 jeunes femmes de ce village ont sollicité AFPN pour le financement d’études de health assistant. Elles louent 2 chambres dans la maison de Badri.
La rencontre a été très émouvante. Les parents des boursières étaient venus spécialement pour nous remercier.
Les jeunes filles sont heureuses de pouvoir suivre les études de health assistant et travaillent assidument.
Nouvelles d’anciens boursiers
Sarita a terminé ses études de staff nurse et travaille actuellement dans un hôpital de Katmandou.
Elle souhaite poursuivre des études de bachelor en nursing, ce qui devrait lui permettre d’obtenir ultérieurement un bon emploi dans un hôpital du Solukhumbu, dont elle est originaire. Malheureusement, elle n’a pas encore pu s’inscrire pour ce cursus.
Santosh Maskey, qui a bénéficié d’une bourse d’études de médecine, a ouvert une clinique à Gorkha et suit actuellement une formation professionnelle de spécialité. Nous n’avons pas pu le rencontrer.
Sagar KC a terminé ses études de médecine, il est en attente des résultats de la validation de sa dernière année et travaille à l’hôpital de Pokhara. Il était de garde et nous n’avons pas pu le rencontrer.
Pour AFPN,
Françoise
2e partie : le récit de Marion
14 avril
Lorène et moi, membres de l’équipe 2, décollons de Francfort autour de 20 h.
Comme les informations de la Qatar sont un peu contradictoires quant à l’heure de fermeture du guichet, nous décidons de suivre les conseils les plus larges et arrivons donc à l’aéroport avec plus de 3h30 d’avance. On a eu le temps de faire le tour, de se poser, de discuter et de partager notre excitation à l’idée de ce premier grand voyage au Népal ! On ignore ce qui nous attend, ce que nous verrons et (même) ce que nous ferons exactement.
Françoise nous a envoyé le programme il y a bien longtemps ; je l’ai recopié ; mais tout est encore très abstrait. Et, pour conserver le mystère de la découverte, aucune de nous n’a fait de recherches en amont : on est d’accord pour se laisser guider et s’émerveiller sans s’y préparer.
15 avril
La journée est celle consacrée aux vols.
On atterrit à Doha et on se promène un peu dans l’aéroport où nous sommes ravies de découvrir des quiet rooms, dans lesquelles on peut se reposer dans le calme et le silence. Vus nos horaires de transport, n’importe quelle sieste est la bienvenue !
Le second vol se passe sans encombre et nous atterrissons à Katmandou à 16h15, comme prévu. Comme il y avait pas mal de nuages, nous n’avons vu que peu de sommets depuis l’avion, mais c’était déjà merveilleux : quelle promesse de magie !
Sur place, tout est lent ! Notre découverte du rythme local me surprend. On commence par montrer nos pass sanitaires, puis on va demander notre visa, avant de montrer ce dernier au guichet de l’immigration. Ces petits riens nous prennent plus d’une heure ! A la fois, c’est normal et il faut bien s’adapter aux us quand on voyage ; mais en parallèle, j’ai tellement envie de voir la ville, de sortir, de respirer l’air de la capitale …
Françoise et Chantal nous attendent à l’arrivée et nous accueillent chaleureusement. C’est un plaisir de les retrouver !
Quant à mes espoirs, ils sont un peu déçus : la nuit tombe ; le soleil est masqué par une épaisse nappe de poussière, mêlée de pollution et de brume de chaleur. Respirer est compliqué, du fait d’une circulation très dense en ville. Je retrouve ce que j’ai déjà rencontré dans d’autres capitales asiatiques et que je n’envisageais pas à Katmandou. En réalité, je m’attendais probablement à ce que fut la ville il y a trente ans. Mais ce n’est pas grave ! Loin de là !
Nous allons à l’hotel Utse, dans le quartier de Thamel. L’hôtel est beaucoup plus luxueux que ce à quoi nous nous attendions : nous avons une grande chambre, avec un petit espace salon et notre propre salle de bain avec de l’eau chaude ! Comme cela fait plus de 24 h que nous sommes parties, la douche est plus que bienvenue.
Nous sommes ensuite rejointes par Krishna Pun, un ancien professeur de Pauduwar.
Avec Françoise, nous discutons environ une heure avec lui qui est venu avec sa fille et son petit-fils. C’est émouvant de rencontrer des gens dont on entend le nom, sans connaître le visage, depuis une vingtaine d’années.
Il travaille à présent à Katmandou, pour une association australienne qui aide au développement de l’éducation.
Ensuite, je rencontre Anny et Bernard, membres de l’équipe 1, au même titre que Françoise et Chantal. Face à elle, je réalise que j’ai déjà rencontré Anny sur le marché de Noël. En revanche, c’est la première fois que je vois Bernard. L’ambiance est festive et agréable et promet déjà un beau séjour.
16 avril
Le réveil sonne à 5h30. Heureusement que nous nous étions couchées tôt, pour absorber le décalage horaire.
Le rendez-vous avec notre guide et un porteur, pour aller ensemble à la station de bus, est fixé à 6h15.
Devant l’Utse nous attendent déjà Tséring le guide, et Subha, un des porteurs. Ensemble, nous gagnons le bus en mini-van et Clotilde ne tarde guère à arriver. Les voyageurs sont au complet !
Le trajet est censé durer entre 8 et 10 h. Nous ignorons encore qu’il en durera plutôt 12.
Dans le ciel, on devine un soleil luisant au-dessus de la couche de pollution et de poussière qui ne s’est pas dissipée depuis hier. Espérons qu’elle ne nous suive pas jusqu’à Pokhara !
Le trajet est de 225 km. Les travaux y sont très (très !) nombreux ! Une cinquantaine de kilomètres sont en route goudronnée. Le reste, c’est de la piste. Ceci explique notamment la durée annoncée. Mais la surprise résidait ici dans une climatisation cassée. Le conducteur et ses aides ont voulu la réparer. On a passé plus d’1h30 chez un garagiste, pour rien …
Il a donc fallu rouler avec les fenêtres ouvertes et les masques sur le visage pour éviter de respirer toute cette poussière. La noirceur des ongles et la couche de crasse sur les masques nous ont prouvé que nous étions bien sales en arrivant.
Quant au ciel, il est longtemps resté apocalyptique, permettant de regarder le soleil droit dans les yeux, même sans lunettes d’éclipse. Évidemment, on portait nos lunettes de soleil et on évitait de le fixer quand même. Mais c’était possible …
Pour moi, il était un peu frustrant de ne pas voir les montagnes, hormis quelques reflets rosis au crépuscule, dansant comme des aurores boréales.
Le Fairmount Hotel de Pokhara est, lui aussi, sympathique et chaleureux, avec de grandes chambres à la salle de bain attenante.
Après un dîner au bord du lac, Lorène et moi avons décidé de nous promener encore un peu, en direction de la fête foraine. Elle est toute petite, et donc mignonne. Mais j’ai du mal à faire confiance à la sécurité des manèges. Surtout, je n’ai pas l’intention de me mettre en danger avant le trek. Donc, on se contente de les regarder, sans monter dedans.
17 avril
Nous avons quitté Pokhara pour rejoindre Nayapul en mini-bus à 7 h du matin.
Furba et Vishnu sont là : on est vraiment au complet. Le trajet a duré 1h30 et on a pu distinguer quelques sommets, malgré la sempiternelle brume de chaleur et d’incendies.
Après un petit-déjeuner d’omelettes et de toasts, le trek a démarré. On est passé par Birethanti et avons déjeuné à Kilyu vers 12h30. Le soleil nous dardait déjà de ses rayons et la chaleur commençait à nous frapper. Entre Birethanti et Kilyu, nous sommes montés d’environ 300 m, pour 7 km de marche. La pente n’était donc pas trop soutenue. Une petite pause sur une terrasse avec un léger courant d’air a été très appréciée de tous.
Nayapul se situe à environ 1 100 m d’altitude et Ghandruk, notre arrivée, à 2000. Il nous reste donc 700 m à monter après le déjeuner. Anny et Chantal optent pour la jeep. Les cinq autres, nous décidons de monter à pied, armés de nos bâtons – sauf Lorène. Là, les 700 m ne s’échelonnaient que sur 4,7 km. Surtout, au lieu de prendre la forme d’une pente – plus ou moins raide – il s’agissait essentiellement d’escaliers. A la louche, 2 500 marches ! On ne peut donc guère gérer l’effort et, de toute évidence, je suis partie trop vite. Au bout de 700 marches, j’ai compris que je ne tiendrais pas, ce qui m’inquiétait un peu pour les jours à venir : être sur place et se rendre compte qu’on a du mal au bout de si peu de temps est quelque peu effrayant. Pourtant, en ralentissant et en prenant le temps de savourer les paysages, j’ai réussi ! Au fur et à mesure de la montée, l’endurance s’est mise en place.

Quant au décor : de nombreuses cultures en terrasse, comme dans les manuels de géographie ; un ciel beaucoup plus pur ; des chevaux, des ânes et des bufflonnes. C’est déjà très beau !
Une fois à Ghandruk, on rigole : le village est étendu et tout en pente. On m’avait dit : « il restera une dernière volée de marches », mais c’était pour atteindre Ghandruk-le-bas. On logeait dans Ghandruk-le-haut. Tristesse ! Mais on ne peut pas abandonner à dix minutes de l’arrivée…
A nouveau, l’hôtel est beaucoup plus luxueux que ce à quoi on s’attendait. Aux trois niveaux se trouvent des terrasses qui nous ont permis de nous reposer et de jouer en regardant quelques fugitives apparitions des montagnes. C’était magnifique, au moins comme une promesse (qui n’engage que ceux qui y croient …).
Lorène, Chantal et moi avons rejoint un groupe de touristes népalais après le dîner. Ils faisaient une petite fête. Un enfant a joué de la guitare et chanté, accompagné parfois de Tséring. Lorène a interprété « Hallelujah » de Leonard Cohen, malgré une voix encore fatiguée de sa récente maladie.
Puis nous avons dansé, essayant de reproduire les gestes montrés par les garçons. On a ri en se demandant si, d’une manière codifiée, la danse n’impliquait pas des promesses d’amour et de descendance. On ne le saura jamais, mais on s’est bien amusée.
Vers 22 h, nous avons rejoint nos pénates.
18 avril
Le petit-déjeuner était servi à 7h30 : suite aux jours précédents, c’est une grasse matinée.
L’objectif de la journée est de rejoindre Tadapani, situé 700 m plus haut.
On estime qu’il nous faut environ 3 h. Nous ne sommes donc pas pressés, mais il convient de partir assez tôt pour ne pas souffrir de la chaleur.
Le chemin nous mène très vite en forêt et ce n’est pas une suite de marches : la journée promet donc d’être bien plus simple que la veille. La végétation est beaucoup plus tropicale que je ne l’aurais cru. Quelques passages sont parfois un peu pentus, ce qui semble tout à fait normal au Népal.

On a croisé des bufflonnes qui se promenaient seules, un troupeau de moutons, des papillons et des oiseaux. L’un d’eux est nommé le « Tchultutu », ce qui imite son chant. Pour les autres, c’est Lorène qui est passionnée et qui essaye de les identifier, mais elle n’a pas de guide asiatique. Quant à la flore, nous avons vu plusieurs orchidées Bishop et des fraises sauvages. Surtout, Chantal a cueilli une énorme morille !
A Tadapani, le lodge est plus traditionnel : toilettes et douches sont communes, à l’extérieur des chambres, lesquelles sont aussi plus petites. La légende raconte que la douche est très chaude : j’ai hâte !
En attendant, je m’installe sur la terrasse, où la température n’a de cesse de varier mais où les sommets se dessinent avec toujours plus de précision. Je commence à tomber sous leur charme. D’après Françoise et Clotilde, la neige est basse pour la saison. Alors que nous avons encore chaud, nous savons que le froid nous tend les bras. Reste à savoir quel jour, pour être bien équipé.
C’est aussi à Tadapani que nous commençons à plus discuter avec Sophie, Guillaume et Nicolas, trois jeunes Français qui font un demi-trek commun avec nous. Nous les avons déjà croisés hier et aujourd’hui, en randonnant.
Avant et un peu après le dîner, nous avons joué au tarot, avec Anny, Bernard, Chantal et Lorène. Françoise et Clotilde ont préféré lire ou discuter.
Comme nous sommes arrivés tôt, l’après-midi m’a paru un peu longue. Je pensais que le rythme de marche serait plus soutenu. Mais les lodges sont espacés de telle sorte que, si on n’avait pas dormi à Tadapani, la montée aurait été encore longue et on aurait probablement doublé la durée et l’altitude, ce qui aurait été vraiment plus rude. Il n’y a pas de juste milieu alors autant prendre le temps comme il vient et en profiter pour lire ou pour écrire.
19 avril
Aujourd’hui, nous allons à Dobato.
On a mis environ deux heures pour gagner Meshar où je pensais qu’on s’arrêterait pour boire un thé, mais non. Cette partie grimpait bien. Pourtant, je m’en sors de mieux en mieux et j’en suis très fière ! Ma crainte du premier jour se dissipe doucement.
La forêt reste très belle, avec des mousses, des feuillages et des lichens qui transforment certains arbres en fantômes. Mulets et bufflonnes sont à nouveau passés, les premiers pour transporter du matériel et des vivres, les secondes pour paître. On s’est décalé avant de les rattraper à plusieurs reprises : c’était amusant.
Plus on montait, plus les fleurs étaient présentes. Autour de 3 000 m, les rhododendrons sont encore printaniers et fleuris. Primevères et coucous ont aussi salué notre passage, mais c’était plutôt vers Isharu, 45 minutes après Meshar.
La montée a parfois été un peu sèche, mais on a tous réussi sans grande difficulté. Les groupes restent plutôt les mêmes : Clotilde, Bernard, Lorène et moi suivons Tséring ; Anny, Chantal et Françoise nous rejoignent lors des pauses. Ceci permet à chacun de monter à son rythme, mais aussi au groupe de rester uni. L’ambiance de marche est agréable.
Tandis que nous attendions le déjeuner, Bernard, Lorène et moi regardions le ciel, traversé par un rapace. Lequel ? Un aigle, un circaète ou un gypaète ?
Anny nous a rejoint et a participé au mini-débat. On finira par apprendre, grâce aux photos, que c’était bien un gypaète.
Aux déjeuners, les stratégies divergent, entre ceux qui mangent léger parce qu’il faut continuer de monter et ceux qui reprennent des forces. A terme, je vais moi aussi finir par admettre que, de toute façon, je suis incapable de finir mon dal bhat au dîner et que je ferais mieux de le commander plus tôt…
Dobato n’est plus qu’à 1 h de montée. Mais quelle difficulté à reprendre ! Le début a été compliqué. Comme toujours, la pente est irrégulière, alternant des moments plats et d’autres très raides. Après la première côte(lette), nous avons vu des flancs de montagne volontairement brûlés, pour les pâturages. Cela explique aussi la brume qui m’a tant embêtée au début du séjour.
Peu avant d’entrer à Dobato (je ne peux pas dire « village » pour un lieu qui ne contient en tout et pour tout que trois lodges), nous avons croisé notre première plaque de neige. Est-ce à dire que nous aurons bientôt froid ? Bien sûr !
Le lodge lui-même est plus rudimentaire que les précédents. La chambre est petite et peu isolée (phoniquement et en fait de température). Les toilettes et la douche sont à une dizaine de mètres des chambres. Le robinet avec du savon est entre les deux, sur le mur extérieur de la salle commune. Même se laver les mains devient une question qui se pose puisqu’il fait froid : c’est la première fois du séjour que j’envisage d’abdiquer sur l’hygiène.
Un orage éclate : j’espère qu’il dégagera le ciel et que nous verrons encore mieux les sommets ! Nous jouons au « 5000 », un jeu de dés que nous apprenons à Tséring qui, sous l’influence néfaste des autres joueurs, me bat au dernier tour. Ensuite, c’est Anny qui est imbattable. Puis Chantal ! Je l’ignore encore, mais il va me falloir encore du temps avant de gagner ma première partie… En même temps, l’important est de s’amuser et d’occuper le temps hivernal.
20 avril
Le réveil a sonné à 4h40, pour atteindre le Muldai Peak avant le lever du soleil.
Anny et Chantal ont préféré rester à Dobato. On s’est rapidement équipé et hop ! Une grimpette bien raide et trop rapide. Tséring n’ouvrait pas la marche, alors ce n’était pas assez bistare pour Bernard, Lorène et moi. De plus, attaquer une pente 20 mn après le réveil, c’est bien plus rude que je ne l’aurais cru. Il nous fallait environ prendre 200 m d’altitude. Par endroits, les effets secondaires du Diamox se font sentir : Lorène et moi faisons alors des combats d’électricité dans les doigts. Mais j’ai aussi la chance de ressentir ces picotements sur la langue et les lèvres : c’est comme un bonbon piquant qui ne s’arrête jamais.
On a atteint le sommet vers 5h40.
Doucement mais sûrement, les sommets se sont dévoilés sous nos yeux dans leur splendide majesté. Toutes ces montagnes semblent attendre, drapées dans leur immobilité et dans leur couverture immaculée, depuis des temps presque éternels, que le soleil chaque jour se lève et se couche, pour leur donner vie et souffle.
C’est grandiose.
Je pense qu’on a passé environ trente minutes à juste regarder, presque sans parler, presque sans bouger, hormis pour changer de point de vue et comprendre qu’à 100 m près, tout est similaire et différent. C’était une parenthèse hors du temps.


Sur les pentes du Muldaï Peak paissait un troupeau de yacks. Enfin, des yacks ! (et des petits yackous). Comme tant d’autres choses, ce sont ces images de carte postale qui me viennent quand je pense au Népal. Alors d’avoir le lever du soleil sur les montagnes, avec des yacks : imaginez mon bonheur !
Lors de la pause thé, toujours au sommet, j’ai peu parlé avec les autres. J’avais envie de me repaître de ce spectacle avec égoïsme et en silence.
Puis nous avons dû redescendre pour prendre le petit-déjeuner et commencer le chemin vers notre prochaine étape : Chistibang. Évidemment, j’avais hâte de découvrir la suite du voyage et des paysages. Mais, en même temps, j’aurais aimé que le temps suspende son vol indéfiniment lors de ce lever de soleil.
Chistibang se situe plus bas que Dobato. Donc, pour y aller, il ne faut pas que descendre : ce sont les joies du « plat népalais » ! Pour descendre de 400 m, on monte tout de même de 700 … C’est drôle quand on y pense (et quand on le vit). Sur le chemin, on a croisé deux jolies cascades, quelques vautours et de nombreuses fleurs qui me sont inconnues.
Nos efforts ont été récompensés quand on a découvert un lodge plutôt élégant et cosy, avec des chambres en bois, des toilettes à l’occidentale et une douché délicieusement chaude. Le repas était savoureux, en témoigne notamment l’intérêt qu’un mulet a eu pour l’assiette de Lorène. Nous avons recroisé les trois Français que nous voyons souvent, mais ils n’étaient pas logés au même endroit que nous : il y a tout de même deux lodges à Chistibang !
La soirée s’est déroulée dans le calme… avant la tempête.
21 avril
J’ai été réveillée par un grondement sourd.
Bien que consciente de la réalité, j’ai préféré le déni et ai estimé que c’était probablement un Népalais qui tapait sur de la tôle. Au troisième coup, j’ai dû l’accepter : c’était le tonnerre. On entendait la pluie battre les fenêtres et ruisseler le long de vitres. L’objectif du jour était de monter à Khopra Danda. L’ascension devait durer 3 h, ce qui impliquait que nous n’étions pas si pressés que ça. On a donc d’abord décidé d’attendre la fin de l’orage. A 9h30, il semblait évident que c’était en pure perte. On s’est donc équipé pour la pluie et le froid et nous sommes vaillamment partis à l’assaut des éléments.
Au fur et à mesure, la pluie est devenue collante et épaisse, avant de se muer en grésil puis en neige. Le vent soufflait lui aussi et les visages étaient fouettés par ce déchaînement d’éléments. En général, tout le groupe ne marchait pas à la même vitesse, mais nous nous attendions régulièrement. Ce jour-là, la solidarité a laissé place à l’évidence : que les plus rapides avancent directement vers le lodge ; les autres vont à leur rythme, avec un porteur. A l’arrivée, l’écart fut manifeste. Les pauses avaient été rares car il valait mieux marcher que s’arrêter pour respirer ou boire. Quant aux porteurs eux-mêmes, deux d’entre eux avaient abîmé leurs chaussures et sont donc montés l’un en sandales, l’autre en tongs. Je m’attendais à beaucoup de surprises au Népal, mais pas à voir des gens chargés de plusieurs dizaines de kilo marcher presque pieds nus dans la neige !

Khopra Danda,
voir le lodge fut un réel soulagement. Jamais tôle ondulée ne m’inspira tant d’élans lyriques. A Khopra, il n’y a pas le choix : un seul logement pour tous les trekkeurs.
Le poêle fonctionnait déjà, une douce chaleur nous attendait et tous les espaces de séchages étaient déjà occupés … Qu’à cela ne tienne, on trouvera bien une place pour nos affaires. Un peu plus tard, nous avons réalisé que la chaleur dispensée ne rayonnait guère : soit on était collé au poêle, soit on était enroulé dans nos couvertures, assis autour des tables. C’est ce que nous avons fait, jouant aux dés et aux cartes avec les trois autres Français.
Jusqu’à 17 h, la neige a continué de tomber, ce qui n’est guère habituel à cette période de l’année, à cette hauteur. Nous avions initialement prévu de monter encore un peu le lendemain, mais la météo rendait cette randonnée impossible.
A 17 h, donc, le soleil brillait à nouveau. Les nuages commencèrent à se lever et les éblouissants sommets se sont révélés. Je n’arrivais pas à mesurer ma chance de voir ça ! Nous ne nous sommes guère éloignés, mais avons passé du temps à nous repaître du spectacle de la nature. La soirée s’est ensuite déroulée comme les précédentes et nous nous sommes couchés tôt.
22 avril
L’objectif du jour est d’aller à Pauduwar.
L’objectif secondaire est de me lever tôt pour voir un dernier lever de soleil à 3 700 m. La seule vue de la fenêtre était magnifique, alors je me suis préparée comme une flèche et ai bondi dehors pour mieux savourer le panorama. Deux d’entre nous sont restées au lit, mais les cinq autres, nous avons pu profiter de ces paysages majestueux. On distinguait le Mustang et l’Annapurna 1 derrière le Fang. A cette heure matinale, je trouve que le Dhaulagiri est le plus beau à voir car il se colore vraiment par étapes. Voir la neige voler comme des nuages depuis le Fang et l’Annapurna fut aussi un ravissement.
Après le petit-déjeuner, on a amorcé les 1 600 m de descente, répartis en deux étapes. D’abord, le ciel était dégagé ce qui nous a permis de voir les montagnes pendant longtemps et de nous amuser de cette ligne de neige qui semble tracée à la règle autour de 3 700 m sur tous les monts environnants. Pendant la marche, le temps n’a pas cessé de varier : à chaque pause, on hésitait entre se déshabiller ou remettre une couche plus épaisse.
A 11h30, nous sommes arrivés à Lahareni, dans un tout petit lodge qui ne peut accueillir que quatre voyageurs mais dont l’immense jardin promet une cuisine bio, locale et savoureuse. On a adoré. Nous y sommes restés deux heures, à juste profiter du lieu et du repas. Pauduwar nous attendait à environ 1h30 de marche supplémentaire.
Voir ce village m’a émue (forcément). Ça fait plus de vingt ans que j’en entends parler, et le voilà qui se dévoile sous mes yeux ! Après quelques jours dans la montagne, on oublie presque qu’il y a aussi des endroits où les Népalais vivent, avec une école, un dispensaire, une petite échoppe…
Arrivés au lodge, nous nous sommes relayés pour la douche puis le temps a coulé sans qu’on le voie vraiment. Les activités de repos sont mises en place : lecture, écriture, cartes et dés. Le dal bhat était délicieux. La Lune souriait. Vénus scintillait.
Et on a retrouvé Chandra ! Elle vit aux États-Unis avec son mari et leur fils. C’est fou ! Je n’avais pas eu de nouvelles depuis la terminale ; peut-être en aurai-je demain…
23 avril
Et j’en ai eu !
L’une de nos logeuses l’a contactée via Messenger et nous avons pu discuter un peu en vidéo. Clotilde a pris les choses en main car Chandra a un anglais hésitant : le népalais était donc plus simple.
Vers 8h30, Gyan Bahadur Pun nous a rejoints. Le rencontrer a aussi été émouvant puisqu’il était le directeur de l’école pendant de nombreuses années et, de ce fait, lors du financement de l’internat. L’école de Pauduwar subit actuellement une crise assez complexe et il espère inverser la tendance. En effet, il ne reste que 78 élèves, contre 300 il y a quelques années, conséquence notamment de l’exode rural et de l’offre locale en fait d’enseignement.
La journée de visite a commencé par la fromagerie. En semaine, ils reçoivent environ 60 litres de lait, ce qui permet de confectionner 6 kg de fromage par jour, revendus dans des lodges de Tatopani. Comme nous étions dimanche, ils n’avaient pas été livrés. L’espoir des crémiers est de pouvoir acquérir des vaches laitières, mais là aussi, c’est compliqué à cause du manque de fourrage.
A 10 h, nous avons vu les enfants faire des exercices et chanter l’hymne national dans la cour. C’était le jour de la rentrée, donc ils devaient ensuite remettre l’école en ordre afin de bien commencer l’année. Il fallait par exemple désherber et ranger les salles.
Le directeur nous a ensuite conviés à une réunion avec quelques professeurs. C’est là que nous avons appris que 17 professeurs enseignent, ce qui fait des classes avec de très faibles effectifs. Pourtant, ils estiment que 2 professeurs supplémentaires rendraient l’école plus attractive, face à la concurrence des établissements urbains.
Les salaires ne sont pas intégralement payés par le gouvernement ; le complément est versé par les villageois ou par des associations. Nous ne savons qu’en penser et attendons les analyses de Gyan. A notre échelle, le partenariat le plus simple reste la correspondance entre élèves, qui les force au moins à pratiquer un peu leur anglais.
La journée a continué avec la visite du dispensaire.
L’accueil a été très chaleureux. Le bâtiment est propre et bien entretenu. Les infirmières connaissent précisément leurs besoins et les expriment avec clarté et lucidité. Il faut notamment un réfrigérateur pour conserver les vaccins, de l’argent pour avoir un vrai stock de médicaments à vendre, de meilleures batteries pour l’énergie solaire et, pourquoi pas, des vitres aux fenêtres de la maternité.



Après le déjeuner, les parents de Chandra sont passés pour me rencontrer. Encore un moment de forte émotion !
Puis l’après-midi a suivi son cours habituel. Après le dîner, nous avons chanté et dansé avec Tséring. C’était amusant !
24 avril
Malgré des mollets tendus par la descente précédente, il fallait reprendre le chemin pour rejoindre Tatopani.
Comme Tséring envisageait une journée chaude, il a décidé qu’on partirait plus tôt. Anny et Clotilde ont préféré la jeep car cette dernière devait se rendre à Beni pour nous retrouver à Pokhara, sans passer par Tatopani. Nous fûmes donc cinq gais marcheurs à nous rendre tout d’abord à l’école pour un discours et une séance photo.
Le chemin suivait la piste avec quelques raccourcis plus pentus à travers les fourrés, mais qui ne faisaient pas gagner de temps : leur utilité n’est donc que relative, s’il n’y a pas de véhicule levant la poussière sur la piste.
Petit pont de métal, femmes qui portent beaucoup de branchages, nid de frelons et étalage de la poudre sur le front à cause de la crème solaire furent autant de petits éléments qui ont rythmé cette matinée.
Pour traverser la Kali Gandaki, nous avons utilisé un long pont suspendu puis avons suivi la route pendant une vingtaine de minutes. La question du masque s’est posée : il filtre la poussière mais empêche un peu de respirer …

Le Trekkers Inn est un petit îlot de paradis fleuri. La chaleur attendue par Tsiring a été remplacée par un orage qui s’est déclaré pendant le repas. Cinq d’entre nous ont pourtant bravé les gouttes et le froid pour aller au lieu le plus attendu de Tatopani : les sources d’eau chaude. Il y avait trois douches et deux bassins alimentés par ces sources naturelles qui donnent leur nom au village. Quel bonheur après les jours de trek que de sentir un tel délassement dans une eau si chaude – même trop pour le deuxième bassin.
Nous ne voulions pas tous passer la même durée dans l’eau et nous sommes donc séparés, sans aller bien loin évidemment.
Sous une pluie toujours battante, Lorène et moi avons visité le village, un peu fantomatique puisque tout le monde restait au sec. Un nouvel hôtel de luxe détonne un peu dans ce paysage du bout du monde.
Après le dîner, Lorène a coupé le fromage offert à Pauduwar en 12 tranches afin de le partager équitablement entre tous, touristes et professionnels. Comme nos porteurs nous quittaient le lendemain, on voulait profiter d’un vrai moment convivial tous ensemble. A cette occasion, nous leur avons aussi offert leurs pourboires et avons repris des photos de l’équipe, un peu plus complète.
25 avril
En attendant le bus qui devait nous ramener à Pokhara, des singes sont descendus à la rivière, comme pour nous dire au revoir.
Le trajet était « typique » : un bus ultra-plein de monde, une longue piste chaotique et des paysages encore époustouflants. Il a duré environ 5 h, d’abord avec des montagnes puis des cultures en terrasse.
A Pokhara, après une douche et la mise à sécher des vêtements, nous nous sommes séparés avec comme but de nous retrouver pour le dîner.
Comme nous n’avions vu la ville que de nuit à l’aller, Lorène et moi sommes redescendues au lac pour en profiter davantage. Le ciel était dégagé : c’était vraiment très beau, par temps clair comme au coucher du soleil. Nous avons croisé un petit iguane et de nombreuses aigrettes.

Comme nous n’avions vu la ville que de nuit à l’aller, Lorène et moi sommes redescendues au lac pour en profiter davantage. Le ciel était dégagé : c’était vraiment très beau, par temps clair comme au coucher du soleil. Nous avons croisé un petit iguane et de nombreuses aigrettes.
Après le dîner, Lorène, Bernard et moi avons décidé de faire un tour à la fête foraine. Au début du voyage, je ne voulais pas monter dans cette grande roue beaucoup trop rapide. Maintenant que j’avais vu tout ce que je pouvais voir en quelques jours, je m’inquiétais moins. Pourquoi cette vitesse ? Des Népalais la lancent à la main et la freinent à la main. Le mécanisme automatique prend le relais entre les deux. Soyons sincères, ça ne m’a pas complètement rassurée quand j’ai vu toutes ces personnes qui actionnaient manuellement l’ensemble. Pourtant, c’était plutôt magique comme moment.
26 avril
C’est le jour de la séparation puisque Lorène et moi prenons l’avion avant les autres. Nous allons à Katmandou ; ils vont à Gorkha.
Le trajet dura 10 h, mais avec de la climatisation cette fois et une vue plus dégagée. On a donc mieux pu observer le paysage. Plus on approchait de la capitale, plus le brouillard s’intensifiait.
Une fois à l’Utse Hotel, nous avons dit au revoir à Tséring : c’était un super guide et on aurait moins ri sans lui, qui nous a appris à compter, à danser, à chanter et à nous étirer après les 1 600 m de dénivelé négatif.
La dernière soirée et la dernière matinée ont été consacrées au shopping, pour rapporter des souvenirs à nos proches.
Mais ce qu’on rapporte surtout est immatériel : des paysages plein les yeux, des souvenirs gustatifs, des images touchantes et des émotions vives.
On a formé une belle équipe et, pour cela, à tous : MERCI !
Marion, membre d’AFPN